Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 20:21

L’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation pose une exigence ad validitatem de l’apposition d’une mention manuscrite au sein du cautionnement formé par acte sous seing privé entre une personne physique qui se porte caution envers un créancier professionnel. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’exigence prescrite par l’article précité, il y a eu un long glissement jurisprudentiel quant au niveau de sévérité appliqué à la vérification de l’exact conformité de la mention manuscrite inscrite par la caution et celle imposée par la loi. En effet, par une décision en date du 16 mai 2012, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°11-17.411) annulait le cautionnement dans lequel la mention manuscrite par la caution, personne physique, ne reprenait qu’approximativement la formule consacrée par le Code de la consommation. Alors que dans ce cas, il n’était pas discuté le fait que la caution avait, au travers de la mention qu’elle avait manuscrite, une parfaite connaissance de l'étendue et de la durée de son engagement.  A fortiori, sauf à faire la démonstration de l’existence d’une erreur matérielle, la Cour de cassation annulait la garantie dès lors que la formule manuscrite n’était pas strictement identique à celle consacrée (Cass. Com. 5 avril 2011, pourvoi n°09-14.358). Ainsi, la caution qui par maladresse ou par filouterie recopiait plus ou moins fidèlement la formule consacrée pouvait se libérer de son engagement vis-à-vis du créancier sans que soit analysée la question de savoir si cette dernière avait, malgré ses errements de plume, tout de même saisie la portée et le sens de l’engagement de cautionnement. Une telle sévérité affectait la fiabilité des cautionnements formés par acte sous seing privé entre une personne physique et un créancier professionnel. Elle permettait à la caution d'échapper à son engagement, du fait de ses propres errements dans le copiage de la formule consacrée et faisait peser sur le créancier une obligation de résultat de vérification de l’exactitude de la mention manuscrite par la caution. En outre, cette jurisprudence dénaturait le but visé par l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation. En effet, le contenu de la formule qui y est consacré vise à mettre en relief le fait que celui qui souscrit à l’engagement de caution ait pris conscience de la gravité d’une telle opération. La formule consacrée vise à matérialiser l’existence d’une adhésion réelle, sérieuse et pleinement consciente. Cet objectif est renforcé par l’exigence que la mention soit manuscrite et non simplement dactylographier puis soumise à la signature de la caution. Autrement-dit, il s’agit de figer par la mention manuscrite le fait que la caution personne physique ait consenti à l’opération sans être victime d’une erreur quant à la substance de l’engagement. C’est cette perception du contenu de l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code précité qui entraine un changement de braquet de la jurisprudence. En effet, la Cour de cassation, notamment par une décision en date du 22 janvier 2014 (pourvoi n°12-29.177) ne prononçait pas l’annulation du cautionnement malgré les différences entre la mention manuscrite par la caution et celle consacrée dès lors que les modifications n’en affectaient pas le sens et la portée. Ainsi, les modifications qui rendaient désordonné et confuse la mention en imposant son interprétation permettaient au juge de prononcer la nullité du contrat (Cass. Com. 27 janvier 2015, pourvoi n°13-24.778).  Cette position a été notamment confirmée par la solution de l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 10 janvier 2018 (pourvoi n° 15-26324), par laquelle est sanctionnée, par la nullité, le cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas identique à la formule consacrée et en affecte lourdement le sens et la portée. En l’espèce, la mention manuscrite par la caution comportait de nombreuses omissions qui en altéraient le sens et laissaient appréhender ses irrégularités comme une altération du consentement de ladite caution. La formule légalement consacrée étant posée comme la matérialisation d’une adhésion réelle, sérieuse et pleinement consciente. L’altération, par omission de conjonctions de coordination (mais, ou, et, donc, or, ni, car), du sens implique l’altération de l’intégrité du consentement justifiant ainsi l’annulation du contrat. Dès lors, malgré l’adoucissement de la sévérité appliquée à la vérification de la liberté prise dans le recopiage de la formule consacrée par l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation, il est indispensable que le créancier s’impose l’obligation (de résultat) de veiller que la substance du sens et de la portée de ladite formule ne soit pas altérée au risque pour lui de perdre la garantie adjointe au remboursement de sa créance en cas de défaillance du débiteur principal. Au regard de ses éléments jurisprudentiels de compréhension et de contexte, il est opportun de se demander si l’omission d’un terme lors de la transcription à la main de la formule légale consacrée, est de nature à affecter la validité du cautionnement ?

La Cour de cassation en date du 2 juin 2021 (pourvoi n°20-10.690) devait statuer sur le bien fondé de la décision d’une Cour d’appel qui avait prononcé la nullité d’un cautionnement du fait de l’omission du terme « caution » lors de la retranscription manuscrite de la formule consacrée par l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation.

Cependant, il est nécessaire de préciser que ladite Cour d’appel intervient à la suite d’une décision de renvoi (art. L431-4 al. 1 du Code de l’organisation judiciaire) d’une précédente décision de la Cour de cassation en date du 3 avril 2019 (pourvoi n°17-22.501) qui se prononçait elle-même sur la décision prise par la première Cour d’appel saisie dans cette affaire. La situation est quelque peu cocasse et c’est à ce titre qu’elle illustre assez bien les difficultés que pose, à la Cour de cassation, la question de l’intégrité de la formule prescrite à l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation.

En effet, pour la Cour de cassation du 3 avril 2019, l’omission du terme « caution » est de nature à affecter le sens et la portée de la mention et justifie l’annulation du cautionnement. Alors que, sur la même affaire, lors de sa deuxième saisine, la Cour de cassation (2 juin 2021 [pourvoi n°20-10.690]) reconnait qu’il s’agit d’une erreur matérielle qui ne suffit pas à elle seule à provoquer l’annulation du cautionnement. L’existence de plusieurs originaux conforme à l’ancien article L341-2 (nouvel article L331-1) du Code de la consommation, aidant à la caractérisation de l’erreur matérielle. Ainsi dans ce contentieux de l’intégrité d’une formule légale, se pose en réalité la question des critères de caractérisation d’une erreur de plume afin de la distinguer d’une altération susceptible de provoquer la nullité du contrat de cautionnement.

Pour réponse, il est apporté la réforme posée par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, par laquelle le Législateur pense régler le problème avec le nouvel article 2297 du code civil et l’abrogation dans le code de la consommation du formalisme particulier qui y était prescrit. À compter du 1er janvier 2022, il n’existera plus de formule légale à reproduire manuscritement. L’inspiration sera libre…

Ainsi, lors d’un contentieux de l’annulation d’un cautionnement qui porterait sur la clarté de la mention manuscrite, les juges devront jauger l’intégrité du consentement de la personne physique qui souscrit un cautionnement en fonction de la qualité de la formule optée. Cette dernière devra permettre de cristalliser le fait que la personne physique à bien conscience du sens et de la portée de son engagement, c’est-à-dire qu’elle « […] s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci […] » ; par conséquent elle s’engage à payer le créancier « […] dans la limite d'un montant en principal et [le cas échéant] accessoires […] » qui doit être écrit en lettre et en chiffre.

En tout état de cause, on conviendra qu’il y a de nombreuse manière de dire que l’on comprend la gravité d’un engagement et la limite qu’il lui est donné. C’est à ce titre que la réforme posée par l’ordonnance n°2021-1192 ne facilite pas le travail d’évaluation du juge de la « conscientisation » par la personne physique de l’impact patrimonial du cautionnement. L’avantage de la formule légale de l’article L331-1 du Code de la Consommation, c’est qu’elle posait un modèle de référence permettant de réaliser une jauge. L’absence de référence est susceptible de créer une distorsion voire une cacophonie des solutions rendues par le juge à l’instar de ce que l’on subit dans le contentieux du contenu de la lettre d’intention.

Du coup, il semble judicieux de prendre cette réforme comme une désacralisation-délégalisation de la formule légale de l’article L331-1 du Code de la Consommation, ce qui n’interdit pas, dans le cadre de la liberté contractuelle de continuer à l’utiliser. L’intérêt de ladite désacralisation-délégalisation, sera que le juge ne devrait plus être déchiré entre une appréhension exégétique ou libre de ladite formule. Il pourra, le cas échéant, s’en remettre à son pouvoir d’interprétation des clauses peu claires et peu précises (art. 1189 et 1192 du Code civil).

Partager cet article
Repost0
26 mars 2021 5 26 /03 /mars /2021 21:18

Il est question de savoir si un juge peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l'insuffisance des preuves fournies par une partie ?

Le droit d’agir (article 30 du Code de procédure civile) est la faculté pour une personne (physique ou morale) de soumettre à un Juge un différend qui l’oppose à une autre personne afin que la juridiction tranche le litige. Pour ce faire, la juridiction saisie devra évaluer le bien-fondé de la demande notamment par l’analyse des éléments qui matérialisent l’existence de l’obligation dont il est réclamé l’exécution (art. 1353 du Code civil). Ainsi, se pose la question de savoir si un juge peut refuser de trancher un litige indemnitaire après avoir admis le bien-fondé de la demande ?

 

C’est à ce titre, que la décision du 2 juillet 2020  de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°19-16.100)  constitue une illustration intéressante de l’ampleur des obligations d’un juge lorsqu’est mis en œuvre le droit d’agir.

 

L’objet de la fonction juridictionnelle consiste, de manière substantielle, à dire le droit et trancher les litiges (D. AMBRA, « L’objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges » ; LGDJ 1994). Autrement-dit, à l’appui de la Loi applicable au litige (art. 12 al.1 du Code de procédure civile), le juge doit poser une solution qui s’impose à l’espèce. Ainsi, pour mettre en œuvre cette mission régalienne, la juridiction juridictionnelle saisie doit parfois faire œuvre d’interprétation afin d’extirper au Texte le substrat normatif porteur de solution. Ce travail peut se révéler laborieux selon l’état de la Loi, mais il ne peut exciper de la carence de la Loi (art. 4 du Code civil) un moyen pour ne pas trancher le litige qui lui est soumis.

 

Le droit d’agir est la faculté d’exiger que le litige soit tranché. À ce titre, débiteur de l’obligation de dire le droit et de trancher le litige, le juge est lié et doit se prononcer uniquement sur les demandes formulées (art. 5 du Code de procédure) et sur toutes les demandes formulées.

 

Ainsi, en l’espèce, la juridiction qui refuse de statuer sur une demande indemnitaire alors qu’elle admet l’existence du préjudice et caractérise le lien de causalité avec l’acte dommageable méconnait l’ampleur de sa compétence. En effet, le jugement en cause ne quantifie pas l’indemnité au prétexte que le demandeur n’apporte pas les éléments propres à en permettre l’évaluation. Il est vrai qu’il est peu judicieux pour la personne qui réclame une indemnité de ne pas être en situation d’apporter les éléments d’évaluation du préjudice. Cependant, dans la mesure où le préjudice est admis, que le lien de causalité avec l’événement source du dommage est caractérisé, il est de la charge du juge de mettre en œuvre les mesures d’instruction qui lui permettront de trancher le litige (art. 10 du Code de procédure civile).

Par conséquent, la position de la 2ème chambre de la Cour de cassation (pourvoi n°19-16.100)  n’est pas une surprise. Elle est dans la continuité de la défense des justifiables contre les situations de déni de justice du fait de la méconnaissance par le juge de ses pouvoirs en matière de sollicitation de mesures d’instruction.

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 12:42

L’article 2313 du code civil pose l’une des lignes directrices du contenu du caractère accessoire du contrat de cautionnement. En effet, outre le fait que la caution ne peut être tenue dans des termes plus sévère que ceux qui tiennent le débiteur principal, il lui est également possible, dans une certaine limite, de profiter de certaines exceptions attachées au contrat qui lie le débiteur principal au créancier bénéficiaire du cautionnement. C’est à ce titre, que l’arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation, en date du 11 décembre 2019, (pourvoi n° 18-163147) constitue une illustration intéressante de l’ampleur du contenu de l’accessoirité du cautionnement. En effet, en l’espèce, il était question de savoir si une caution pouvait exciper au créancier la prescription biennale dont disposait le débiteur principal au titre de l’article L218-2 du code de la consommation ?

  Vous l’aurez deviné, le contexte est celui d’un cautionnent qui a été stipulé au bénéfice d’un créancier pour qu’il se prémunisse de la défaillance d’un débiteur principal auquel il a consenti un prêt immobilier. Bien entendu, le débiteur principal est défaillant. Par conséquent, le créancier exige de la caution le paiement de la dette. C’est à ce niveau que l’enjeu juridique et jurisprudentiel de la solution de l’arrêt est révélé. En effet, afin de se libérer de son engagement, la caution excipe la prescription de l’obligation du débiteur principal. Effectivement, conformément à l’article 2313 du code civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à l’obligation. Mais en l’espèce, une difficulté est dévoilée par la question pratique de savoir si la prescription excipée est inhérente à l’obligation ou purement personnelle au débiteur ? Il faut garder à l’esprit que l’article 2313 du code civil pose le cadre de l’accessoirité du cautionnement. L’article précité prescrit deux règles assez claires. D’une part, si l’obligation souscrite par le débiteur principal est affectée d’une cause d’extinction alors la caution peut également l’opposer au créancier pour se libérer de son engagement. En effet, dans la mesure où la caution s’engage à payer la dette du débiteur si ce dernier n’y satisfait pas lui-même ; alors, si la dette du débiteur est éteinte cela implique que la dette de la caution est également éteinte car l’obligation de la caution est l’obligation du débiteur principal. La défaillance du débiteur principal impose à la caution de se substituer à lui. Prenant la place du débiteur principal, la caution bénéficie des défauts de l’obligation, en l’occurrence sa disparition. D’autre part, si le contrat entre le débiteur principal et le créancier bénéficiaire de la caution est éteint à cause d’une exception affectant le débiteur, alors la dette de la caution subsiste car ce n’est pas l’obligation qui est affectée. En effet, sauf situation de confusion d’état de caution et de débiteur principal, l’exception affectant la personne du débiteur principale, n’est pas transmissible à la personne de la caution. C’est dans ce dernier cas que la Cour de cassation pose le litige quelle analyse. L’article L218-2 du code de la consommation pose la prescription biennale de l’action d’un professionnel contre un consommateur. Autrement-dit, un consommateur est libéré de toute action contre lui lorsque cette dernière est mise en œuvre plus de deux ans après la date d’exigibilité du paiement du service fourni par le professionnel. Ainsi, l’article L218-2 du code précité, octroie au seul consommateur la possibilité d’opposer la prescription biennale. L’état de consommateur est une exception inhérente à la personne du débiteur principal. En effet, en l’espèce, la caution ne profite pas d’un service fournit par le créancier. Au contraire, c’est la caution qui fournit une prestation au créancier. C’est à ce titre, qu’étant une exception purement personnelle au débiteur que la caution n’est pas légitime ni fondé à l’opposer au créancier.

Partager cet article
Repost0
1 avril 2020 3 01 /04 /avril /2020 17:17

L'arrêt de la Cour de cassation

Sur le premier moyen :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2018), que, le 16 avril 1997, la SCI L’Anglais a donné à bail un appartement à M. X... et à Mme Z... ; que, le 8 avril 2014, M. Y..., devenu propriétaire des lieux, a délivré aux locataires un congé pour reprise à son profit, puis les a assignés en validité du congé ; qu’ayant constaté que les locataires avaient sous-loué l’appartement, il a également sollicité le remboursement des sous-loyers en exécution de son droit d’accession ;

 

Attendu que M. X... et Mme Z... font grief à l’arrêt de les condamner à la restitution des sous-loyers, alors, selon le moyen :

 

1°/ que les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous-location ne constituent pas des fruits civils appartenant au bailleur par accession mais l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur, lequel est en droit de les percevoir et de les conserver, sauf à engager sa responsabilité envers le bailleur en cas de préjudice subi par celui-ci du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location ; qu’il ne peut donc être reproché à un locataire d’avoir, en percevant de tels sous-loyers, détourné fautivement des sommes qui ne pouvaient appartenir au bailleur ; qu’en décidant le contraire, et en condamnant M. X... et Mme Z... à rembourser à M. Y... les loyers qu’ils avaient perçus en sous-louant le bien litigieux, la cour d’appel a violé les articles 546 et 547 du code civil, ensemble l’article 1147 devenu 1231-1 du même code ; 2°/ qu’une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire mais produit tous ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire ; qu’en conséquence, seul le locataire est créancier des sous-loyers ; qu’en retenant néanmoins que les sous-loyers perçus par M. X... et Mme Z... appartenaient à M. Y... et que les locataires étaient tenus de les rembourser à ce dernier en réparation du préjudice financier subi par le bailleur du fait du détournement de ces sommes, la cour d’appel a violé les articles 546 et 547 du code civil, ensemble l’article 1147 devenu 1231-1 du même code ;

 

Mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; […] PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi [...]

Le bail est un contrat par lequel, une personne (le bailleur) met à disposition un bien (meuble ou immeuble), au profit d’une autre personne (le preneur) à charge pour lui de verser un prix (le loyer). Au regard de l’article 584 du code civil, le loyer perçu est un fruit civil. À ce titre, il appartient au bailleur tant au titre du droit de créance que ce dernier dispose à l’encontre du preneur, mais également du fait du droit d’accession car le loyer est un fruit du bien dont il a la propriété. En effet, la propriété est la prérogative dont dispose une personne (physique ou morale) sur un bien (meuble ou immeuble) et qui lui permet d’en jouir et d’en disposer de la manière la plus absolue, dès lors qu’il respect les prescriptions de la Loi en la matière (art. 544 Code civil). Ainsi, il a l’exclusivité quant à l’utilité économique de son bien.

 

En l’espèce, dans le cadre un bail, le preneur à souscrit vis-à-vis d’un tiers un « sous-bail ». À ce titre, il perçoit une contrepartie (Cass. 3e civ. En date du 09 mars 1994 [n°92-10211]), le « sous-loyer ». Le preneur entreprend cette utilisation économique du bien loué sans solliciter l’autorisation du bailleur voire, a minima, sans même l’aviser de cette opération de « sous-bail ». Or, s’agissant d’un bail d’habitation, vu l’article 8 de la loi n°89-462, le preneur est soumis à l’obligation légale de solliciter l'accord écrit du bailleur, tant sur le principe de la sous-location que sur le montant et du devenir du prix du sous-loyers. En l’absence de mise en œuvre de cette exigence, la sous-location était irrégulière et, a fortiori, inopposable au bailleur. En tout état de cause, la situation de sous-bail pose le sous-bailleur (c’est-à-dire le preneur devenu bailleur secondaire) dans une situation d’exploitation économique d’un bien dont il n’est pas le propriétaire et pour lequel la destination est réservée à l’habitation. Autrement-dit, le preneur-bailleur perçoit des fruits civils d’un bien dont le propriétaire n’a pas consenti la mise à disposition pour un tel usage. Ainsi, il deux données juridiques dans la solution de droit de l’arrêt qu’il faut mettre en relief.

 

D’une part, par la souscription d’un sous-bail irrégulier, le preneur manque à son obligation contractuelle/légale de ne pas souscrire une sous-location sans l’accord du bailleur. À ce titre, conformément à l’ancien article 1147 du code civil (nouv. 132-1 C. civ.) le preneur doit des dommages et intérêts au bailleur. La faute est d’autant plus caractérisée qu’elle s’inscrit dans un schéma « para-professionnel » (Personne qui a une activité même très ponctuelle dans un secteur socio-professionnel spécifique, mais qui ne possède pas elle-même le permis professionnel dédié.) de sous-location à prix diversifiés (Cass. 3e civ. du 12 septembre 2019 [pourvoi n° 18-20.727] : « […] pour deux nuits minimums, au prix de 120 € la nuit, 700 euros la semaine et 3401 € le mois […] ») matérialisée par une offre de sous-location à destination d’un public très large car ladite offre est relayée par une plateforme internet renommée (AirBnb). Le préjudice tenant d’une exploitation économique non autorisée d’un bien loué est indiscutablement matérialisé. Sur ce point, la cour de cassation ne s’exprime pas. Il n’y a pas dû avoir de moyen en ce sens du bailleur. Cependant, le preneur l’excipe afin de tenter de « contrer » l’application des articles 546 et 547 du code civil. Cela dit en passant, le bailleur sollicitait la validation du congé octroyé aux preneur ; il n’y a pas débat sur ce point.

 

D’autre part, consécutivement au manquement contractuel du preneur, existe la perception sans droit ni titre de fruits civils du fait de l’exploitation économique d’un bien dont le preneur, a fortiori, n’est pas le propriétaire et n’est pas autorisé à l’utiliser de la sorte. En effet, le sous-loyer perçu par le preneur-bailleur tient à la mise à disposition à titre onéreux du bien du bailleur-propriétaire. Ce dernier, au titre de l’accession (art. 547 C. civ.), est propriétaire des fruits (naturels, civils, et industriels) produits par son bien. C’est à ce titre qu’appartiennent au bailleur-propriétaire les sous-loyers produits par la mise à disposition, en second rang, de son bien loué. Le tiers-percepteur, non habilité, des fruits est redevable, vis-à-vis du propriétaire, de la restitution.

Partager cet article
Repost0
25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 15:41

Extrait de l'arrêt

 

LA COUR DE CASSATION, […] :  Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 juin 2011), que la commune de Pointe-Noire a donné un accord de principe pour échanger un terrain communal contre un terrain appartenant à M. X... ; que, sans attendre la signature de l'acte authentique, le maire a pris possession du terrain de M. X..., sur lequel une école a été construite, et a livré la totalité de la parcelle communale à M. X... ; qu'après évaluation des terrains, la commune a décidé de surseoir à l'échange puis de proposer à M. X... l'acquisition de sa parcelle ; que M. X... a assigné la commune en régularisation de l'acte d'échange et en dommages et intérêts ; que la commune, à titre reconventionnel, a sollicité la restitution et la remise en état de la parcelle occupée par M. X... ;

 

Sur le premier moyen, […] ;  Attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le conseil municipal, dans sa délibération du 28 mai 1999, n'avait donné qu'un accord de principe à l'échange du terrain de M. X..., d'une superficie de 293 m², contre un terrain communal de 300 m² à détacher d'une parcelle plus grande et "sous l'expresse réserve de l'estimation préalable du service des domaines de chacun des terrains" et qu'après cette évaluation, la commune avait décidé, le 15 octobre 2001, de surseoir à l'échange puis, le 7 avril 2004, de proposer à M. X... l'acquisition de son terrain, et ayant retenu, au vu de ces constatations, que les parties n'avaient jamais déterminé si l'échange devait être limité à une fraction de la parcelle communale ou devait porter sur la totalité de cette parcelle avec paiement d'une soulte, la cour d'appel, en a exactement déduit, sans dénaturer la délibération du 28 mai 1999 ni prononcer la nullité de l'échange, qu'en l'absence d'accord sur la contenance des terrains à échanger, aucune transmission des droits de propriété réciproques n'avait pu s'opérer et que M. X... devait restituer la parcelle dont il avait pris possession ;  […] 

Analyse

 

L’échange est un contrat par lequel au moins deux personnes (physiques ou morales) s’astreignent réciproquement à permuter des biens (meubles ou immeubles ; corporel ou incorporel) qui sont appréhendés comme équivalent ou pour lesquels, à défaut « d’équivalence naturelle » il est convenu du versement d’une soulte. L’échange est parfait entre les copermutants, lorsqu'il y-a rencontre des volontés de permutation et accord sur les qualités réciproques des biens objets de la permutation. C’est à ce niveau que l’arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, en date du 5 février 2013, présente une illustration intéressante du caractère consensuel du contrat d’échange.

 

En effet, à la suite d’un accord de principe conditionnel sur les éléments essentiels du contrat d’échange, chaque copermutant avait réciproquement pris possession des biens objet de la permutation. De son côté, la commune avait fait construire une école sur la parcelle permutée. Cependant, à la suite des résultats de l’évaluation du service des domaines, la commune sursoit à l’échange et propose l’acquisition du terrain. Le particulier n’adhère pas à la proposition d’achat et demande en justice la réalisation de l’échange. La Cour de cassation conforte la cour d’appel dans sa position. Le moyen aux fins de réalisation de l’échange a été écarté car les parties ne s’étaient pas accordées sur la qualité substantielle de l’échange, c’est-à-dire l’équivalence des biens objets de la permutation. Donc, l’échange n’était pas parfait. À ce titre, il ne pouvait être ordonné la réalisation forcée de l’opération. La commune, dans la délibération par laquelle il été décidé un accord de principe, avait émis une réserve suspendant la réitération de sa volonté de former le contrat d’échange à la détermination de l’équivalence des biens par une administration extérieure légalement habilitée. Lors de la survenance de l’événement, à défaut de confirmer sa volonté de permutation, la commune, par une nouvelle délibération, proposait l’achat de la parcelle dont elle avait pris la possession par la construction d’une école.

 

Dans le régime juridique de l’échange (art. 1705 du Code civil), en cas d’éviction du bien qu’il a reçu en échange, le copermutant dispose d’une option entre l’obtention de dommages et intérêts ou la récupération de sa chose. En l’espèce, le copermutant évincé ne souhaitait pas récupérer son bien, mais exigeait la réalisation de l’échange. À la suite de l’évaluation, la commune avait pris acte de l’absence « d’équivalence naturelle » des biens et a préféré former un contrat de vente plutôt que de concéder une soulte. En tout état de cause, il reste tout de même manifeste que la commune à pris possession d’un bien ne lui appartenant pas, avec l’accord du propriétaire qui escomptait la réalisation de l’échange. Parallèlement, le particulier, toujours dans l’optique de la confirmation de l’échange, avait pris possession de la parcelle communale et y avait entrepris des travaux. À ce titre, il restait également à résoudre la question des dédommagements respectifs.

Partager cet article
Repost0
25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 10:18

Une promesse « synallagmatique de vente et d’achat » est un contrat par lequel les parties expriment réciproquement la volonté de former un contrat de vente. L’un (le vendeur promettant) s’engage à vendre, réciproquement, l’autre (l’acheteur promettant) s’engage à acheter. Au regard de l’article 1589 du Code civil, une telle réciprocité des consentements est constitutive d’une vente. C’est à ce titre que, sauf stipulations particulières, une promesse synallagmatique de vente vaut vente. En l’espèce (Cass. 3ème civ. 7 juin 2018 [n° 17-18.670]), la formation de la vente était suspendue à la réalisation de plusieurs conditions qui se sont réalisées mais un désaccord persistant entre les co-promettants a empêché la finalisation de la vente notamment par la ratification de l’acte authentique. C’est à ce titre que s’est posée la question de savoir si le déséquilibre dans la faculté de se retirer d’une promesse synallagmatique de vente constituait une cause de requalification de ladite promesse en promesse unilatérale de vente ?

 

Le caractère synallagmatique de la promesse de vente impose l’existence d’une réciprocité dans l’intensité de l’engagement des parties. Cela ne signifie pas qu’il doit y avoir une égalité stricte dans la charge de l’engagement mais que la distribution des contraintes ne doit pas pour autant être inique. C’est le caractère inique de la distribution des contraintes qui permettrait au juge de statuer dans le sens de l’absence de réciprocité des engagements. L’évaluation d’un tel équilibre ou déséquilibre des engagements, impose au juge de jauger le contenu du contrat ; ce qu’il peut faire avec plus ou moins de liberté selon le niveau de clarté de la rédaction des clauses. En l’espèce, les clauses étaient ambiguës (ancien article 1156 et suivants du Code civil ; nouveaux articles 118 et suivants du Code civil) ce qui imposaient au juge d’en faire l’interprétation. L’analyse du contenu de l’acte dénommé par les parties « promesse synallagmatique de vente et d’achat », abouti à la mise en relief d’un déséquilibre caractérisé au détriment du promettant. Contrairement au bénéficiaire de la promesse qui conservait la faculté de se libérer de son engagement au risque, pour lui, de la mise en œuvre d’une clause d’indemnité d’immobilisation. Le promettant n’avait pas, au regard de l’interprétation faite du contenu du contrat, la faculté de se libérer de son engagement. Le caractère significatif du déséquilibre est matérialisé par le fait qu’au finale le promettant est « définitivement engagé » (« ceteris paribus sic stantibus » c’est-à-dire « Toutes choses étant égale par ailleurs ») alors que le bénéficiaire conserve la faculté de ne pas lever l’option. Cette configuration de l’intensité des engagements correspond davantage à une promesse unilatérale de vente plutôt qu’a une promesse synallagmatique. C’est à ce titre, compte tenu du déséquilibre significatif des obligations que la Cour de cassation a requalifié le contrat en conformité avec la commune intention des parties exprimées au sein des clauses du contrat. 

 

Une fois l’acte intégré dans le régime juridique qui correspond le mieux à son contenu, se pose la question des conditions de formation de l’acte. Ces dernières ont-elles été respectées afin de permettre à l’acte de produire tous ces effets juridiques ?

En effet, la promesse unilatérale de vente, lorsqu’elle a pour objet, notamment un bien immeuble doit être formalisée par un acte authentique ou un acte sous-seing privé qui doit être enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire (art. 1589-2 du Code civil). Si cette formalité n’est pas respectée alors la promesse unilatérale de vente est nulle rétroactivement. La formalité prescrite par l’article 1589-2 du Code civil a un caractère ad validitatem. En l’espèce, la requalification de la promesse synallagmatique déséquilibrée en promesse unilatérale nulle pour non-respect des formalités de l’article 1589-2 du code civil fait que les protagonistes tombent dans le statu quo antes. Le promettant est libéré de sa promesse car cette dernière n’a jamais existé du fait du défaut de forme dans le délai prescrit. Le bénéficiaire récupère les acomptes versés car la nullité de l’acte en a déchu le promettant qui se trouve de jure tenu par une obligation de restitution des sommes perçues dans le cadre de l’exécution de la promesse synallagmatique déséquilibrée requalifiée en promesse unilatérale nulle.

Partager cet article
Repost0
24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 12:50

Explication de solution : 1ère Chambre civile de la cour de cassation en date du 29 avril 1960 (Publié au bulletin n°218)

L’article 2 du Code civil pose le principe qui cadre les modalités d’application de la loi dans le temps. En effet, cette disposition du Code civil prescrit l’absence de rétroactivité d’une loi nouvelle. Cela signifie qu’une loi nouvelle ne peut, en principe, avoir ni effets juridiques ni force obligatoire sur des événements qui sont antérieurs à son entrée en vigueur telle que posée par l’article 1er du Code civil. C’est au regard de ces données juridiques que la décision de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation présent un intérêt non négligeable. En effet, cette décision juridictionnelle permet d’étayer le substrat normatif du principe de non-rétroactivité de la loi. En l’espèce, il est question de l’applicabilité d’une loi nouvelle au régime de reconnaissance et de légitimation d’un enfant adultérin. Sans surprise, les juges de la Cour de cassation appliquent dans toute sa rigueur le principe posé par l’article 2 du Code. La loi nouvelle est d’application immédiate (art. 1er Code civil) aux effets avenir des situations juridiques en cours et non contractuelles. Dès lors, elle est inapplicable aux situations juridiques achevées ou régies par un contrat. C’est ainsi que les juges de cassation en confirmé la décision des juges du fond qui ont refusé de soumettre à l’emprise d’une loi nouvelle, un acte d’état civil établi sous l’ancienne loi.

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2019 2 05 /11 /novembre /2019 19:57

 Arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale en date du 1er mars 2016

(pourvoi n° n° 14-14401)

L’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 a réalisé un travail très important de refonte du droit des sûretés. En effet, outre la consécration législative de la garantie autonome et de la lettre d’intention, sûretés créées par la pratique, ce texte clarifie l’ordonnancement juridique des sûretés réelles intéressant les biens meubles corporels et incorporel. Il est mis un point final à l’option terminologique qui subsistait entre le nantissement et le gage pour désigner tantôt l’affectation d’une sûreté à un bien meuble corporel tantôt l’affectation d’une sûreté à un bien meuble incorporel. 

 

Désormais, le gage est le contrat par lequel, une tierce personne ou un débiteur (dénommé constituant), accorde à une autre personne la faculté d’être désintéresser par préférence à ses autres créanciers sur un bien meuble (corporel, présent ou futur) ou sur un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs. Cette définition est celle posée par l’article 2333 qui est inséré au code civil par l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006. Cependant, concomitamment à la création d’un droit commun du gage au sein du Code civil, l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 introduit au sein du Code de commerce un gage spécial dénommé « gage des stocks » et décrit aux articles L527-1 à L527-9. Dès lors par cette démarche, il est manifeste que le Législateur a voulu créer deux types de régime juridique pour le gage. L’un est réalisable avec ou sans dépossession (notamment articles 2341 et 2342 du Code civil) et il y ait autorisé le pacte commissoire (art.2348 du code civil). L’autre est réalisable exclusivement sans dépossession (ancien article L527-1 du Code de commerce) et il n’y ait pas autorisé de pacte commissoire (ancien article L527-2 du Code de commerce). En outre, le gage des stocks est réservé aux biens meubles listés à l’article L523-3 du Code de commerce.

 

Lorsque coexiste deux régimes juridiques pour un même contrat, il se pose la question de l’intérêt de cette distinction. En effet, quelle est la pertinence de l’institution d’un gage spécialisé plus restrictif que le gage de droit commun, car constitué nécessairement sans dépossession et interdit de pacte commissoire. Cette différence entre le gage de droit commun et le gage des stocks, à fait que des professionnels du crédit optaient pour un gage constitué conformément au droit commun. C’est à ce niveau que ce situe la décision de la chambre commerciale en date du 1er mars 2016.

 

La coexistence de deux régimes juridiques de gage a fait naître un contentieux quant à l’existence d’un libre choix entre l’un ou l’autre régime. Il y a sur ce point confrontation, ou plutôt résistance, des juges du fond vis-à-vis de la doctrine de la Cour de Cassation (décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 7 décembre 2015, pourvoi n°14-18.435 ; décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 19 février 2013, pourvoi n°11-21.763).

Pour cette dernière, il n’existe pas de libre choix entre le gage de l’article 2333 du Code civil et le gage de l’article L527-1 du code de commerce, dès lors que l’un des contractant est un établissement de crédit. Cette position est assez incompréhensible d’autant que rien dans l’article L527-1 du Code de commerce ne laisse sous entendre l’impossibilité d’option, bien au contraire. Dans le texte précité, il est sans ambiguïté mise en relief l’existence d’une faculté de choisir. Il est prescrit que le crédit accordé par un professionnel du crédit à une personne morale ou à une personne physique à l’occasion de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne. Dès lors, est contraire aux termes de la loi la position consistant à interdire l’utilisation du gage de droit commun lorsqu’un professionnel du crédit est bénéficiaire.  Le législateur, par une ordonnance n°2016-56 en date du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks et par une loi n°2016-1547 en date du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIème siècle et ratification de l’ordonnance précité (à l’article 107), reformate le régime juridique du gage des stocks notamment l’article L527-1 du code de commerce.

Il est expressément posé le libre choix de la manière suivante : « Les parties demeurent libres de recourir au gage des stocks prévu au présent chapitre ou au gage de meubles corporels prévu aux articles 2333 et suivants du code civil. ».

 

En outre, il est procédé à un rapprochement franc avec le gage de droit commun. La Cour de cassation, sur cette question, n’est pas suivie par le Législateur. Cette dernière ne peut que s’incliner. La décision de la chambre commerciale en date du 1er mars 2016 marque la consécration du libre choix entre l’un des deux types de gage. Cependant, par cette refonte, il semble qu’est totalement été dilué voire effacée les quelques différences qui était perceptible avant la réforme du gage des stocks.

Partager cet article
Repost0
9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 19:35

Analyse de la solution de l’arrêt de chambre commerciale de la cour de cassation du 30 janvier 2001

(pourvoi n°98-22.060)

  La garantie autonome est une création de la pratique qui a été validée par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Com du 20 décembre 1982 [Bull. civ. IV n°417 ; pourvoi n°81-12.579] ; Cass. Com. Du 2 février 1988 [pourvoi n°85-17.276]). La principale question juridique que la jurisprudence s’est constamment appliquée à éclaircir est celle de la qualification de l’autonomie de la garantie. La Cour de cassation est confrontée aux litiges ayant pour objet la validité de la garantie autonome via sa différenciation par rapport au cautionnement (Cass. Com du 13 décembre 1994 [Bull. civ. IV n°375 ; pourvoi n°92-12.626]). La révélation de l’autonomie de la garantie autonome est réalisée par différentes phases. L’une d’entre-elle, la première, consistait principalement à déceler la garantie autonome du simple fait que l’obligation du garant devait être exécutée à première demande, c’est-à-dire sans que le garant ne puisse ni évoquer le bénéfice de division et de discussion ni exciper les vices inhérents à la dette du débiteur principal. L’immédiateté de la garantie autonome pouvait être rendue inopérante s’il pouvait être décelé une dépendance d’exécution entre le contrat de base et la garantie dite autonome. C’est à ce niveau que l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 30 janvier 2001 (pourvoi n°98-22.060) trouve son intérêt juridique. La référence faite, au sein de la garantie autonome, du contrat de base doit-elle nécessairement postuler la disqualification de l’autonomie de la garantie ? La réponse est nuancée. La référence au contrat de base est susceptible de provoquer la disqualification en fonction de l’intensité de l’imprégnation de la garantie autonome par le contrat de base. Si la référence au contrat de base induit une accessoirité entre l’objet de la garantie et celui du contrat de base, alors la référence est un renvoi aux modalités d’exécution ou à la durée de validité du contrat de base. Par conséquent, la garantie, même consentie à première demande, n’est pas autonome (Cass. Com du 5 octobre 2010 [non publié au Bull. civ. ; pourvoi n°09-14.673]). En revanche, si la référence au contrat de base implique une coexistence, c’est-à-dire que l’objet de la garantie se suffit à lui-même mais détient un intérêt dans l’exécution ou l’inexécution de l’obligation d’un autre contrat ; alors la référence n’est pas un renvoi aux modalités d’exécution ou de durée de validité du contrat de base. Dans ce cas, la garantie, même faisant référence au contrat de base, est autonome (Cass. Com du 7 juin 2006 [non publié au Bull. civ. ; pourvoi n°05-11.779]). L’impact de l’arrêt du 30 janvier 2001 (pourvoi n°98-22.060) est primordial car il permet un réel épanouissement de l’autonomie de la garantie autonome en précisant l’intensité des rapports qu’elle doit entretenir avec le contrat de base. Cette dimension est traduite par le législateur lors de l’insertion au sein du Code civil de l’article 2321 par l’expression « en considération d’une obligation souscrite par un tiers ». La garantie autonome ne peut nier l’existence du contrat de base car elle serait sans cause.

Partager cet article
Repost0
27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 01:03

Analyse de la solution de l'arrêt de la 2ème chambre de la  Cour de cassation en date du 4 février 2010 : « Société Whirlpool » (pourvoi n°08-70.373)

L’article 1384 alinéa 1er du Code civil est le support, par opportunité, de l’adjonction au sein du droit de la responsabilité civile, de deux régimes de responsabilité du fait d’autrui (responsabilité des organismes du fait des personnes handicapées ou des personnes socialement inadaptées dont ils ont la charge ; responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres) et d’un régime général de responsabilité du fait des choses. Au sein de ce dernier, il est perceptible le caractère structural de la notion de garde qui est le socle de la détermination de la personne à qui il incombera de verser les dommages et intérêts compensatoires. En effet, dans son versant initial (arrêts « Teffaine » [1896] ; « Jand’Heur » [1930 ; GAJC, tome II, n°193] ; « Franck » [1941 ; GAJC, tome II n°194] ; « société Cardem c/ commune de Montigny-lès-metz » du 9 juin 1993 ; « Gabillet » [GAJC, tome II n°199] ; « Trichard » [GAJC tome II {11ème édition} p.274]), la garde est un outil d’une efficacité certaine, car, sauf existence d’une cause exonératoire, elle permet toujours au juge de désigner la personne qui devra verser l’indemnité au profit de la victime ayant subi un préjudice du fait de la chose. Cependant, il se trouve que l’autre versant (« oxygène liquide » [bull. civ. 1960 I, n°368], « Leroy Merlin », « La SEITA » [bull. civ. 2003 I, n°355]) de la notion de garde illustre assez clairement l’insécurité juridique (précarité structurale) dont le mécanisme d’apurement du fait des choses peut être affecté. En effet, dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre le « fameux » concept de la garde divisée, les plaideurs et les juges sont en eaux troubles ; l’arrêt « Société Whirlpool » (pourvoi n°08-70.373) est un nouveau caillou jeté dans ces eaux.

 

Il faut garder à l’esprit le fait que la théorie de la division de la garde recherche la réalisation d’une certaine équité, car elle pose comme injuste le fait qu’une victime détentrice de la garde d’une chose ne puisse espérer obtenir indemnisation de son mal alors que ce dernier ne résulte pas de l’usage de la chose, mais de la structure de cette dernière. En effet, en faisant application du versant « classique » de la notion de garde (arrêts « Teffaine », « Jand’heur », « Franck », « Gabillet », « Trichard », « Société Cardem »), celui (mineur ou pas [« Gabillet »] ; aliéné ou pas [« Trichard »]) qui a l’usage le contrôle et la direction d’une chose est responsable du mal qu’elle cause (« Franck »). Ainsi, lorsqu’il est lui-même victime de la chose qu’il détient (« Leroy Merlin ») ; il ne peut espérer obtenir réparation quelle que soit l’origine du fait de la chose (arrêts « Teffaine », « Jand’heur »), sauf démonstration de l’absence de transfert de garde (« Société Cardem »). Dès lors, de ce point de vue, la théorie de la division de la garde est loin de manquer de pertinence, car elle introduit de l’équité au sein du mécanisme froid du régime sans faute de la responsabilité du fait des choses. Cela tient d’une certaine justice de rechercher la responsabilité de celui qui avait ou a encore un certain contrôle sur la structure de la chose. Dans cette hypothèse, il est anormal de poser pour responsable et de priver de son droit à réparation un individu, même détenteur factuel, qui n’y est pour rien dans le mal qu’il subit du fait de l’usage conforme de la chose. Par conséquent, la fragmentation de la garde a un effet correcteur des conséquences qui découleraient de l’application de la notion de garde « classique ».

Ce correctif institue deux gardiens circonstanciels. L’un a vocation à répondre des dommages nés de l’usage fait de la chose, il s’agit du gardien du comportement. L’autre a vocation à répondre des dommages nés de l’intégrité structurelle de la chose, il s’agit du gardien de la structure. Il est perceptible qu’à la garde matérielle, il est permutable une garde structurelle. Cette permutabilité des gardes structurelle et matérielle est dans la continuité du principe qui pose la garde comme alternative et non cumulative, sauf exception de la garde commune (arrêt « Consorts Bizouard c/ AGF » du 8 mars 1995). De là, il n’est pas possible que ce correctif autorise une condamnation in solidum (« Martin c/ Société univrac » [N°88-18.357 ; ]) ou un partage des responsabilités (Cass. 2ème civ. 13 décembre 1989, « Consorts Allais c/ British Leyland France » [N°88-14.990] ; « La SEITA » [bull. civ. 2003 I, n°355]).

La création d’un gardien de la structure relève d’un souci de moralisation de l’apurement du fait des « choses dotées d’un dynamisme propre et dangereuses » ((« oxygène liquide » [bull. civ. 1960 I, n°368] ; « La SEITA » [bull. civ. 2003 I, n°355]), car le gardien de la structure est tenu à indemnisation (Cass. 2ème civ. du 3 octobre 1979 [n°78-10.575 ; Bull. civ. II, n°232] ; Cass. 2ème civ. du 26 mars 1985 [n°83-11.944 ; Bull. civ. II, n°83-13.157] ; Cass. 2ème civ. du 23 septembre 2004 [n°03-10.672]) via la subsistance d’une obligation « trans-contractuelle » (article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) de sécurité qui flirte beaucoup avec l’obligation de garantie légale contre les vices cachés (la garde « classique » est indifférente de l’existence d’un vice : arrêts « Teffaine » [1896] ; « Jand’Heur » [1930 ; GAJC, tome II, n°193], ; « société Cardem c/ commune de Montigny-lès-metz » du 9 juin 1993) qui est à la charge du vendeur (article 1641 du Code civil), du bailleur (art. 1713 et 1721 du Code civil) ou du prêteur (art. 1891 du Code civil).

 

L’insécurité contenue dans ce mécanisme moralisateur de l’apurement du fait des choses dangereuses tient au fait que les critères d’identification des « choses dotées d’un dynamisme propre et dangereuses » ne sont pas stables, car fluctuant au regard de chaque espèce et au gré de mille et une choses susceptibles d’être intuitivement perçues comme dangereuses. Ainsi, malgré leur dangerosité potentielle de nombreuses choses ne sont pas considérées comme titulaire «d’un dynamisme propre et dangereux » (Cass. 2ème civ. du 15 juin 1972 [n°70-12.399] ; Cass. 1ère civ. du 4 décembre 1973 [n°70-13.808] ; Cass. 2ème civ. du 7 décembre 1977 [n°76-13.138]) alors que d’autres qui posent un risque équivalent aux choses disqualifiées sont elles retenues (Cass. 2ème civ. du 3 octobre 1979 [n°78-10.575 ; Bull. civ. II, n°232] ; Cass. 2ème civ. du 26 mars 1985 [n°83-11.944 ; Bull. civ. II, n°83-13.157] ; Cass. 2ème civ. du 23 septembre 2004 [n°03-10.672]).

Au regard de ce capharnaüm, il est perceptible que, au-delà de la dangerosité de la chose, il s’agit véritablement d’apurer la défectuosité (Cass. 1ère civ. 30 septembre 2009, « société Graham et Brown » [N°08-12.625] ; Cass 2ème civ. 5 octobre 2006 [N°04-18.775] ; Cass. 2ème civ. 23 septembre 2004, « société Cape Contract Socap » [N°03-10.672]) de la chose dangereuse. La division de la garde sous le masque d’une garantie contre les « choses dotées d’un dynamisme propre et dangereuses » a surtout vocation à garantir contre le préjudice que créerait la défectuosité d’une chose potentiellement dangereuse. Bien que le champ d’application du régime juridique fondé sur la division de la garde soit plus restreint, parce que plus spécialisé, que celui des produits défectueux (art. 1386-1 et suivants du Code civil). Il est indiscutable qu’à défaut de provoquer la disparition totale de l’apurement du fait de la chose via la division de la garde ; la responsabilité du fait des produits défectueux impose, au moins, sa rationalisation (Cass. 2ème civ. 14 février 2010, « société Whirlpool » [N°08-70.373] ; Cass. 1ère civ. 30 septembre 2009, « société Graham et Brown » [N°08-12.625] ; Cass 2ème civ. 5 octobre 2006 [N°04-18.775] ; Cass. 2ème civ. 23 septembre 2004, « société Cape Contract Socap » [N°03-10.672]), mais à quel prix ?

 

L’espèce purgée par l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation est une illustration intéressante de l’assimilation du régime juridique de la division de la garde par la rationalité du régime de responsabilité du fait des produits défectueux. En effet, l’histoire est simple. Un couple fait acquisition d’un sèche-linge (en 1999) de marque Whirlpool. À l’occasion de son fonctionnement conforme « à sa destination », cette machine est l’origine d’un feu qui détruit les biens des consorts X. En appel, ces derniers sont consolidés dans leur droit à réparation, car les juges considèrent que les caractéristiques de mise à feu inhérentes aux propriétés chauffantes et soufflantes de l’engin, autorisent la qualification du sèche-linge comme une chose dotée d’un dynamisme propre et dangereuse. Malgré les contours chaotiques de la notion de « dynamisme propre et dangereux », il semble que les juges d’appel aient eu une perception pertinente de la dangerosité. À l’instar de la jurisprudence constituée par les décisions : Cass. 1ère civ. 12 novembre 1975, « Société minérale Vittel » [N°74-10.386] ; Cass. 2ème civ. 14 novembre 1979, « « Société Océanic » [N°77-15.823] ; Cass. 2ème civ. 10 juin 1960, « Oxygène liquide » [bull. civ. I, n°368]. Une chose qui détient les capacités intrinsèques de produire du feu peut, de manière plausible, être considérée comme une chose dangereuse justement parce que son potentiel de mise à feu est «  […] indissociables des propriétés chauffantes et soufflantes qui le rendent conformes à sa destination […] ». En outre, au regard de cette potentialité de mise à feu et compte tenu des dires de l’expert, il est « patent que le feu est parti du sèche-linge ». Ainsi, la dangerosité de la chose est posée, son implication dans la réalisation du préjudice est avérée et le préjudice étant démontré ; le dépositaire de la dangerosité de la chose (le gardien de la structure) doit répondre de ce fait (Cass. 2ème civ. du 24 mai 1984 [n°83-10.342] ; cass. 2ème civ. du 13 février 1964 [RTD civ, 558] ; cass. 2ème civ. du 5 juin 1971 [n°70-10.668] ; cass. 2ème civ. du 20 juillet 1981 [n°80-10.450] ;cass. 1ère civ. du 12 novembre 1975 [n°74-10.386] ; cass. 2ème civ. du 29 avril 1982 [n°80-11.139]). Par conséquent, au regard de cette constance jurisprudentielle, la position de la Cour d’appel devait être difficilement contestable et elle aurait dû ou elle aurait pu être confortée. Pourtant, la Cour de cassation sanctionne cette position et excipe la violation de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil.

 

Cette sanction est construite sur deux arguments principaux. D’une part, les juges de la Cour de cassation excipent le fait que « les causes de l’incendie étaient ignorées[…] ». D’autre part, il est mis en relief que « […] l’appareil est exempt de vice ». En toile de fond, la Cour de cassation semble faire une magnifique fusion ou confusion entre dangerosité et défectuosité, car pour exclure le sèche-linge du cercle des « choses dotées d’un dynamisme propre et dangereuses », elle allègue le fait que la potentialité de mise à feu est indissociable des propriétés chauffantes et soufflantes. En claire, qu’un sèche-linge produise de la chaleur est une aptitude indispensable au fonctionnement normale d’un engin qui à vocation à faire sécher le linge. De cette banalité fonctionnelle, pour la Cour de cassation, il semble qu’il ne puisse être relevé une dangerosité, car ce dynamisme est conforme à la destination normale de la chose. Or c’est bien dans cette banalité fonctionnelle que siège la dangerosité du dynamisme naturel de la chose. Il y a une manifeste confusion, lorsque pour considérer la dangerosité d’une chose, il est exigé la démonstration de sa non-conformité à sa destination normale. Cette démarche a pour finalité de déceler un vice et non une dangerosité. Une bouteille de gaz est intrinsèquement dangereuse, car sa composition tient aux propriétés explosives du gaz qu’elle contient. Si cette dernière explose alors qu’il en est fait un usage normal, cela pose comme vraisemblable l’existence d’une non-conformité à sa destination normale. Le schéma est transposable au sèche-linge. En effet, que ce dernier sèche le linge est un dynamisme normal de la chose et il peut être qualifié de dangereux parce qu’il suppute la production d’une certaine intensité de chaleur durant un certain laps de temps pour exécuter sa tâche. Si ce dynamisme normal est la source d’un départ de feu (les dires de l’expert l’attestent) d’une intensité telle qu’il y a la destruction d’autres biens et même des vêtements s’y trouvant. Cela pose comme vraisemblable l’existence d’une non-conformité à sa destination normale, car le sèche-linge n’est pas censé être un engin incendiaire.

Cela étant, la Cour de cassation est bien en proie à une confusion entre deux notions indiscutablement indépendantes, même s’il peut résulter d’un vice de la chose, l’accentuation de la dangerosité de celle-ci.

Au-delà de l’amalgame fait entre dangerosité et défectuosité, la recherche de l’existence d’un vice est pertinente non pour qualifier la dangerosité, mais pour attribuer l’exclusivité du dommage au gardien de la structure par la démonstration de la défectuosité, car s’il y a doute sur l’origine du mal cela joue contre les intérêts du gardien du comportement (« Martin c/ Société univrac » [N°88-18.357 ; ] ; cass. 2ème civ. du 26 mars 1985 [n°83-11.944]) qui est, en l’espèce et bien souvent, également la victime. Or « les causes de l’incendie étaient ignorées[…] », cela signifie que s’il est sûr que le feu est parti de l’engin et qu’il est certain que ce dernier est « […] exempt de vice », il n’est pas avéré que l’incendie est dû à la vétusté de la chose ni au fait de la victime. Ce positionnement peut intriguer, lorsqu’il est fait lecture de jurisprudences antérieures (Cass. 1ère civ. 12 novembre 1975, « Société minérale Vittel » [N°74-10.386] ; Cass. 2ème civ. 14 novembre 1979, « Société Océanic » [N°77-15.823] ; Cass. 2ème civ. 10 juin 1960, « Oxygène liquide » [bull. civ. I, n°368]) qui n’excluaient pas l’indemnisation du simple fait que la cause du fait dommageable eut été inconnue ou qu’un vice n’ait pas existé (« Société Locatel » [n°78-10.575]). En outre, dans cette recherche insistante de la cause du fait dommageable, par non-satisfaction de la connaissance de la cause du dommage (c’est-à-dire le feu qui à provoquer les destructions prend origine dans le sèche-linge), il semble que la juridiction de cassation poursuive un effort d’assimilation par le mécanisme des produits défectueux (« aéroclub de Bastia » [n°03-16.683] ; « société Cape Contract Socap » [N°03-10.672]) du régime de la division de la garde fondée sur l’article 1384 al. 1er du Code civil. En effet, la recherche de la cause du fait dommageable (« les causes de l’incendie étaient ignorées[…] ») surenchéri le souci de déceler une défectuosité. Ce mouvement doit expliquer l’amalgame fait, par le juge de cassation, entre dangerosité et défectuosité. Ainsi, afin qu’une victime puisse obtenir une indemnisation du gardien de la structure, il lui faudra prouver le défaut, le dommage et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Sinon, la victime devra compter sur son assurance voire sur d’éventuels fonds pourvus par la solidarité nationale.

Partager cet article
Repost0