Extrait de l'arrêt
LA COUR DE CASSATION, […] : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 juin 2011), que la commune de Pointe-Noire a donné un accord de principe pour échanger un terrain communal contre un terrain appartenant à M. X... ; que, sans attendre la signature de l'acte authentique, le maire a pris possession du terrain de M. X..., sur lequel une école a été construite, et a livré la totalité de la parcelle communale à M. X... ; qu'après évaluation des terrains, la commune a décidé de surseoir à l'échange puis de proposer à M. X... l'acquisition de sa parcelle ; que M. X... a assigné la commune en régularisation de l'acte d'échange et en dommages et intérêts ; que la commune, à titre reconventionnel, a sollicité la restitution et la remise en état de la parcelle occupée par M. X... ;
Sur le premier moyen, […] ; Attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le conseil municipal, dans sa délibération du 28 mai 1999, n'avait donné qu'un accord de principe à l'échange du terrain de M. X..., d'une superficie de 293 m², contre un terrain communal de 300 m² à détacher d'une parcelle plus grande et "sous l'expresse réserve de l'estimation préalable du service des domaines de chacun des terrains" et qu'après cette évaluation, la commune avait décidé, le 15 octobre 2001, de surseoir à l'échange puis, le 7 avril 2004, de proposer à M. X... l'acquisition de son terrain, et ayant retenu, au vu de ces constatations, que les parties n'avaient jamais déterminé si l'échange devait être limité à une fraction de la parcelle communale ou devait porter sur la totalité de cette parcelle avec paiement d'une soulte, la cour d'appel, en a exactement déduit, sans dénaturer la délibération du 28 mai 1999 ni prononcer la nullité de l'échange, qu'en l'absence d'accord sur la contenance des terrains à échanger, aucune transmission des droits de propriété réciproques n'avait pu s'opérer et que M. X... devait restituer la parcelle dont il avait pris possession ; […]
Analyse
L’échange est un contrat par lequel au moins deux personnes (physiques ou morales) s’astreignent réciproquement à permuter des biens (meubles ou immeubles ; corporel ou incorporel) qui sont appréhendés comme équivalent ou pour lesquels, à défaut « d’équivalence naturelle » il est convenu du versement d’une soulte. L’échange est parfait entre les copermutants, lorsqu'il y-a rencontre des volontés de permutation et accord sur les qualités réciproques des biens objets de la permutation. C’est à ce niveau que l’arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, en date du 5 février 2013, présente une illustration intéressante du caractère consensuel du contrat d’échange.
En effet, à la suite d’un accord de principe conditionnel sur les éléments essentiels du contrat d’échange, chaque copermutant avait réciproquement pris possession des biens objet de la permutation. De son côté, la commune avait fait construire une école sur la parcelle permutée. Cependant, à la suite des résultats de l’évaluation du service des domaines, la commune sursoit à l’échange et propose l’acquisition du terrain. Le particulier n’adhère pas à la proposition d’achat et demande en justice la réalisation de l’échange. La Cour de cassation conforte la cour d’appel dans sa position. Le moyen aux fins de réalisation de l’échange a été écarté car les parties ne s’étaient pas accordées sur la qualité substantielle de l’échange, c’est-à-dire l’équivalence des biens objets de la permutation. Donc, l’échange n’était pas parfait. À ce titre, il ne pouvait être ordonné la réalisation forcée de l’opération. La commune, dans la délibération par laquelle il été décidé un accord de principe, avait émis une réserve suspendant la réitération de sa volonté de former le contrat d’échange à la détermination de l’équivalence des biens par une administration extérieure légalement habilitée. Lors de la survenance de l’événement, à défaut de confirmer sa volonté de permutation, la commune, par une nouvelle délibération, proposait l’achat de la parcelle dont elle avait pris la possession par la construction d’une école.
Dans le régime juridique de l’échange (art. 1705 du Code civil), en cas d’éviction du bien qu’il a reçu en échange, le copermutant dispose d’une option entre l’obtention de dommages et intérêts ou la récupération de sa chose. En l’espèce, le copermutant évincé ne souhaitait pas récupérer son bien, mais exigeait la réalisation de l’échange. À la suite de l’évaluation, la commune avait pris acte de l’absence « d’équivalence naturelle » des biens et a préféré former un contrat de vente plutôt que de concéder une soulte. En tout état de cause, il reste tout de même manifeste que la commune à pris possession d’un bien ne lui appartenant pas, avec l’accord du propriétaire qui escomptait la réalisation de l’échange. Parallèlement, le particulier, toujours dans l’optique de la confirmation de l’échange, avait pris possession de la parcelle communale et y avait entrepris des travaux. À ce titre, il restait également à résoudre la question des dédommagements respectifs.