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Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:45

 

La mise en subordination du judiciaire par la mécanisation de la fonction de juger (« la bouche qui prononce les paroles de la loi ») a eu peu de succès dès l’origine, car l’interdiction d’interpréter posée par l’article 12 de la loi des 16-24 août 1790 a été fortement vidée de sa substance par la décision du 15 floréal an IV (4 mai 1796) prononcée par le Tribunal1 de cassation. Cette jurisprudence est consolidée par les articles 4 et 5 du Code napoléonien qui combattent autant le déni de justice, source de paralysie et d’ineffectivité du droit, que les velléités législatives des juges (bride la liberté d’interprétation retrouvée). Puis le référé législatif est abrogé par une loi du 1er avril 1837, c'est-à-dire plus de tutelle structurelle quant à l’interprétation de la loi par la Cour de cassation.

 

Ainsi, à défaut de rendre docile toutes les bouches qui prononcent l’esprit des lois, il faut des hommes soumis à la cause du régime. Alors, il restait la subordination structurelle par le recrutement. Malgré une tradition d’inamovibilité du corps judiciaire, cet élément du statut du magistrat est loin d’assurer de manière systématique l’indépendance de ce corps. Ce n’est pas l’inamovibilité qui avait posé l’indépendance des parlements de l’Ancien Régime mais la vénalité puis l’hérédité de la charge d’officier de justice. Dès lors, l’inamovibilité avait ses « correctifs » pour ceux qui escomptaient une magistrature plus « volatile ».

Le contrôle de l’organe juridictionnel par le peuple et sa soumis au temps (mandat à temps) n’est pas une garantie de docilité vis-à-vis de l’Exécutif ni même vis-à-vis du Législatif. Cependant, le juge est soumis à une logique électoraliste (indépendance précaire) à l’instar du corps exécutif et du corps législatif. Ce qui en fait moins un juge et plus un politique, affectant à long terme la qualité de la justice qui se voudra populaire et un prolongement de la vindicte populaire (impartialité précaire).

Les révolutionnaires craignaient le pouvoir judiciaire, car même avec l’abolition de la patrimonialité des charges et des parlements, le système qu’ils ont pensé octroyait autant d’indépendance aux juges vis-à-vis de l’Exécutif ; D’où cet acharnement à l’encontre de la fonction de juger notamment par l’institution de mécanismes de subordination et d’abaissement fonctionnels, donc exit le mode électoral en faveur des juges.

 

Le mécanisme qui s’y substitue est celui de l’épuration2 non par la voie populaire mais par la volonté de l’Exécutif.

 

Le recrutement des magistrats était fait directement par l’exécutif soit ils étaient choisis sur une liste de confiance préétablie soit ils étaient nommés. À chaque régime sa sélection et son épuration des magistrats fidèles au régime qui précédait. Ainsi, dans ces hypothèses l’inamovibilité est illusoire ou relativement précaire. Le recrutement par concours ne garantit pas davantage l’indépendance que ne le ferait l’inamovibilité. Si l’Exécutif conserve une pesanteur sur la carrière des magistrats, c'est-à-dire s’il détient le pouvoir disciplinaire et d’avancement promotionnel.

Tous ces processus qui visaient à obtenir un corps judiciaire docile, un juge vigie ; continuent la logique qui a favorisé le maintien du concept d’administrateur-juge et qui a avorté le contrôle (même politique) de la loi. Il s’agit d’une logique autoritaire. Le dualisme des ordres juridictionnels et corrélativement l’indépendance et l’impartialité du juge sont parmi les éléments qui marquent une avancée véritablement démocratique de l’organisation judiciaire, une marche vers l’état de droit.

 

Il n’y a pas d’autorité judiciaire3 sans indépendance ni impartialité.

 


1.  À l’époque cette juridiction était nommée ainsi.

3.  Benoît GARNOT, « Histoire de la justice : France XVIe-XXIe siècle » p.553-561 ; Folio histoire n°173–Gallimard.

4.  Cour de cassation, Chambre criminelle du 17 décembre 2010 (Pourvoi n°10-83.674) ; CEDH 4 déc. 1979, Schiesser c. Suisse, série A n° 34, § 31 ; 22 mai 1984, De Jong, Baljet et van den Brink c. Pays-Bas, série A n° 77, § 49 ; 3 juin 2003, Pantea c. Roumanie, Rec. CEDH, p. 2003-VI, § 238 ; D. 2003. Somm. 2268, obs. J.-F. Renucci ; RSC 2004. 441, obs. F. Massias. CEDH 23 nov. 2010, Moulin c. France, n° 37104/06, Dalloz actualité, 24 nov. 2010, obs. S. Lavric ; D. 2010. AJ 2776, obs. S. Lavric.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:35

 

Au sein de la doctrine kelsénienne1 il est fait usage du terme « observance comme réaction spécifique à un commandement2 ». En effet, Hans KELSEN met en relief cette notion notamment lorsqu’il propose une approche analytique du rapport existant entre ce qu’il observe comme étant deux faits. C’est ainsi que, d’une part, il décrit le premier fait, c'est-à-dire « l’énonciation linguistique » qu’il appréhende comme « l’énonciation d’un commandement ». Puis, d’autre part, il présente le second fait comme une réaction au premier et qu’il faut donc appréhender comme « l’observance ». Avant d’entamer son analyse « scientifique » du phénomène d’observance, cet auteur pose un impératif qui découle d’ailleurs d’une observation qui se veut scientifique : il y a relation de cause à effet uniquement si invariablement un même fait est toujours la cause d’un autre fait qui réalise toujours le même effet. De là, KELSEN se pose deux questions. La première le mène à s’interroger sur les critères qui doivent être pris en compte afin d’effectuer la distinction entre un énoncé linguistique qui pose un commandement et celui qui n’en pose pas ? Enfin, la seconde question qui est issue du même élan que la première, s’attache également à rechercher les critères qui permettraient de distinguer un comportement constitutif d’une observance d’un comportement qu’il ne l’ait pas ?

La finalité de ses interrogations consistait à cibler un réel rapport de cause à effet entre une énonciation linguistique (écrite ou verbale) qui exprimerait un commandement et la réaction à cette énonciation qui se matérialiserait par un comportement d’observance, c'est-à-dire une attitude conforme aux prescriptions de l’énoncé. Le terme « observance », semble-t-il doit être préféré à celui d’obéissance3 dans la mesure où il a une connotation neutre qui ne suppose pas, par conséquent, une donnée subjective tel le respect. L’analyse est expurgée de tout jugement de valeur. C’est une étude « pure4 » de la causalité spécifique à l’observance.

 

Un principe de causalité spécifique aux liens qui existent entre un commandement et son observance ne peut être extirpé de la relation existant entre deux faits s’il y a ni différenciation entre les énoncés ni différenciation entre les comportements. Hans KELSEN, dans une démonstration5, qui ne sera pas reprise ici, établit, dans un premier temps, qu’il n’y a pas de différence apparente entre une énonciation linguistique ayant force de commandement et celle qui n’a pas force de commandement dans la mesure où sur le plan anatomique, les mêmes organes sont mis en œuvre. Ce qui lui permet de relever que la différenciation entre les énonciations ne tient pas, a priori, à une donnée matérielle (physique), mais à la « signification » qui y est attachée. Ainsi, la distinction doit être effectuée entre « l’expression linguistique et la signification de l’expression ». Du concept de la signification de l’expression linguistique comme qualificatif de la tonalité de commandement d’une énonciation, Hans KELSEN déduit qu’un « processus intérieur » est indispensable aussi bien chez le destinateur que chez le destinataire (ou « adressataire », chez KELSEN) pour qu’il y ait une causalité entre l’énoncé et le comportement spécifique d’observance.

Dans le second temps de sa réflexion6, l’auteur admet que sur le plan de la forme de l’énonciation, il est possible de différencier un ordre, qui est assimilable à un énoncé ayant la signification d’un commandement, à d’autres énoncés qui n’ont que l’apparence d’un commandement ; Tel est le cas, par exemple, d’une requête ou d’une supplication. En effet, dans cette hypothèse, la différenciation s’effectue grâce à l’intensité du ton impératif de chacune de ces énonciations. Cependant, le statut « d’ordre » d’une énonciation qui a une signification de commandement n’implique pas la force obligatoire liée à la validité de cet énoncé particulier qu’est la norme juridique pour laquelle il est recherché un effet spécifique, c'est-à-dire un comportement conforme à la prescription contenue par la signification, autrement dit une observance systématique. Aussi, au sein du « processus intérieur » évoqué par l’auteur, mais au-delà de la signification de l’expression linguistique. Il faut également prendre en compte le statut du destinateur au regard du destinataire. Cela signifie que l’ordre assimilable à un énoncé ayant force de commandement peut revêtir la qualification particulière de norme juridique et peut escompter une observance systématique uniquement si son destinateur à une légitimité7 ou quelque chose d’approchant qui valide l’état escompté. De ce point de vue l’observance serait un fait purement organique dans la mesure où la signification de commandement de l’énoncé semble dépendre davantage du statut du destinateur que du contenu de l’énonciation. Ainsi, l’énonciation est perçue comme un commandement parce qu’il émane de l’entité qui gouverne et qui émet habituellement8 des commandements. Il y a inévitablement un processus intellectuel qui intervient. Ce dernier est le lien qui permet le rapport causal entre les deux faits précédemment décrits, c'est-à-dire l’énonciation et le comportement. Cette causalité qui a une manifestation physique indiscutable (action) a pour primat une sphère idéelle devant être marquée par la concordance signification - comportement. L’observance est une réaction affirmative à l’énonciation. Cependant, il peut se produire une réaction infirmative : la transgression.

Le comportement non conforme à la signification de l’expression est un fait qui ne manque pas de démontrer l’intervention d’un « processus intérieur » dans le rapport de cause à effet entre l’énonciation et le comportement. Le phénomène de transgression par son existence prouve la particularité de l’observance ; inversement, le phénomène d’observance par son existence prouve la particularité de la transgression. À eux deux, ces phénomènes consolident le principe d’un « processus intérieur » inéluctable. Cela étant, cette vision pose le rapport statut - signification – comportement dans un monde profondément idéel9 qui provoque la prise en compte d’autres données intellectuelles telle la reconnaissance10 ou encore le consentement11. Alors, il est important de procéder à un cheminement vers la sujétion qui doit être appréhendée tel l’aspect praxique12, c'est-à-dire une action en vue d’un résultat pratique, et syncrétique13 de la causalité de l’observance comme celle de la transgression, en ce qu’elle propose la structuration par un processus matériel des rapports de cause à effet évoqués précédemment.

 

Ce processus matériel est la réalisation fonctionnelle du phénomène psychologique14 que représente le « processus intérieur ». L’HOMO JURIDICUS15 fragiliserait son état s’il laissait l’effectivité16 et l’efficacité de ce dernier à l’intersubjectivité17 qui pose un aléa manifeste. Il ne peut laisser au seul phénomène psychologique la réalisation de son ordre juridique. Par conséquent, la sujétion est un point de vue purement objectif18 et opérationnel, c'est-à-dire que l’action n’est pas portée sur le processus mental qui qualifie l’observance mais sur l’effectivité de l’adéquation ou l’inadéquation du comportement à la norme juridique posée. C’est ainsi que le rapport de cause à effet spécifique à l’observance et à la transgression, doit être instrumentalisé19. Le concept fonctionnel de sujétion pose une directive de réalisation méthodique et opérationnelle de l’ordre juridique. Cela étant, il y a également une autre facette de ce phénomène psychologique notamment identifié par l’observance qu’il est nécessaire de mettre en relief et d’analyser. Il s’agit de l’observance d’un commandement que le destinateur s’adresse à lui-même ; De telle sorte qu’il est possible d’appréhender ce phénomène comme l’expression d’une sujétion réflexive (autorégulation ou autolimitation).  Ces deux facettes de la sujétion sont les éléments constitutifs de l’intégrité et de la plénitude de la justiciabilité.

 

1. Hans KELSEN, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier BEAUD et Fabrice MALKANI ; Léviathan – PUF. Hans KELSEN, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE ; LGDJ/BRUYLANT – La pensée juridique. Han KELSEN, « Théorie pure du droit » ; traduit par Charles EISANMANN ; DALLOZ (1962).

2. Hans KELSEN, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier BEAUD et Fabrice MALKANI ; Léviathan – PUF.

3. Quoique d’autres auteurs notamment Max WEBER (sociologie) n’appréhende pas cette nuance dans son œuvre : Max WEBER, « économie et société/1 ; les catégories de la sociologie » ; Agora – Pocket (PLON).

4. Han KELSEN, « Théorie pure du droit » ; traduit par Charles EISANMANN ; DALLOZ (1962).

5. Hans KELSEN, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE ; LGDJ/BRUYLANT – La pensée juridique.

6. Hans KELSEN, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE ; LGDJ/BRUYLANT – La pensée juridique.

7. Hans KELSEN, « Théorie générale du droit et de l’état » ; traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE ; LGDJ/BRUYLANT – La pensée juridique.

8. Herbert LA HART, « Le concept de droit » ; Traduit de l’anglais par Michel VAN de KERHOVE ; Facultés universitaires Saint-Louis 2005.

9. Paul AMSELEK, « Le droit dans les esprits », p.27 in « Controverses autour de l’ontologie du droit » de Paul AMSELEK et Christophe GRZEGORCZYK ; PUF – Question (1989).

10. Hans KELSEN, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier BEAUD et Fabrice MALKANI ; Léviathan – PUF.

11. Idem

12. Évoqué par André-Jean ARNAUD, « Les théories structuralistes du droit », p.85 in « Controverses autour de l’ontologie du droit » dirigé par Paul AMSELEK et Christophe GRZEGORCZYK ; PUF – Questions.

13. Henry MOTULSKY, « Principes d’une réalisation méthodique du droit privé » ; Dalloz (2002).

14. Henry MOTULSKY, « Principes d’une réalisation méthodique du droit privé » ; Dalloz (2002).

15. C'est-à-dire toute entité qui a vocation à produire une norme : le Constituant, le Législateur, l’État…

16. Dominique (D’) AMBRA, Florence BENOIT-ROHMER et Constance GREWE, « Procédure (s) et effectivité des droits » ; Bruylant – Droit et Justice (2003).

17. Paul AMSELEK, « Le droit dans les esprits », p.35 in « Controverses autour de l’ontologie du droit » de Paul AMSELEK et Christophe GRZEGORCZYK ; PUF – Question (1989).

18. Hans KELSEN, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier BEAUD et Fabrice MALKANI ; Léviathan – PUF.

19. Paul AMSELEK, « Le droit dans les esprits », p.28 in « Controverses autour de l’ontologie du droit » de Paul AMSELEK et Christophe GRZEGORCZYK ; PUF – Question (1989).

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:32

 

La notion de gouvernance est indiscutablement de ces termes qui, étant fortement polysémique, sont utilisés à toutes les occasions mêmes les plus inappropriées à tel point qu’il semblerait que voulant tout dire au final ils ne veulent plus rien dire. Cependant, il y a moyen de sauver la notion de gouvernance territoriale du grand vide1 sémantique qu’elle côtoie. En effet, dans la mesure où toutes les fois qu’il en est fait usage, les situations qu’elle tend à décrire ont pour point commun de vouloir s’éloigner voire se détourner d’une mécanique de gouvernement fortement marquée par l’existence d’une hiérarchie entre les différents acteurs susceptibles d’intervenir. La gouvernance recouvre un processus d’interrelation voire d’interconnexion entre des acteurs dont l’élément de liaison est l’antinomie d’une relation de subordination ou de tutelle. L’efficacité recherchée par la notion de gouvernance tient d’une dialectique collaborative, c’est-à-dire que les acteurs souverains et égaux agissent de concert, chacun dans leurs sphères de compétence, pour la réalisation ou la sauvegarde d’un intérêt économique, social ou environnemental qui leur est commun. Donc la gouvernance est d’une essence conventionnelle car elle a pour source l’autonomie de la volonté des acteurs qui a priori s’associent librement afin de gérer en commun une affaire qui les intéresse tous. Paradigme2 étatique, la gouvernance implique toujours deux données concrètes. D’une part, il s’agit des acteurs, c’est-à-dire d’une population ou encore d’entités juridiques privées (notamment associations) ou publiques. D’autre part, la gouvernance à nécessairement une réalité spatiale qui peut être internationale, nationale ou territoriale (locale).

 

Cela étant, qu’elle peut être la consistance ou la réalité d’une notion telle que la gouvernance territoriale au sein d’une France, République indivisible, dont l’organisation territoriale est décentralisée ?

 

Le principe d’indivisibilité du territoire ne semble pas favorable à l’installation d’une mécanique de gouvernance si ce dernier doit être perçu comme un monolithe. Car dans cette configuration la coordination des actions ne peut être que hiérarchique.

 

Les principes fondamentaux d’une organisation territoriale indivisible et décentralisée

 

Historiquement, le principe de l’indivisibilité de l’organisation territoriale tenait au fait que la France a été, durablement, caractérisée par la centralisation de tous les pouvoirs administratifs sur les autorités de l'État chargées de la gestion à la fois des intérêts généraux de la nation et des affaires locales. Ce monolithe administratif, dont la transmission était assurée par les préfets (autorité administrative déconcentrée), affirmait une configuration de gestion par principe gouvernementale, c’est-à-dire hiérarchisée ou tutélaire, des acteurs locaux par une administration centralisatrice généralement (pas toujours) éloignée des réalités et pesanteurs locales.

En 1982, l’indivisibilité du territoire de la République française a évolué3 vers une version fragmentée sans pour autant donné naissance à un État fédéral. En effet, la loi de décentralisation a entamé la dilution d’une organisation centralisée au profit d’une organisation décentralisée mettant un terme à un principe de tutelle ou de gestion directe par l’État des affaires locales. Le démembrement et l’autonomisation des entités locales de gestion d’une parcelle du territoire de la République sont concrétisés notamment par le transfert du pouvoir exécutif au département et à la région qui, par ailleurs, acquiert à cette occasion le « grade » de collectivité territoriale. La décentralisation ainsi que l’efficacité portée par ce mouvement, c’est-à-dire l’autonomisation des gestionnaires politico-administratifs locaux, est consacrée4 constitutionnellement par la révision de la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle n°2003-276 en date du 28 mars 2003.

 

Dès lors, la décentralisation possède ses fondamentaux constitutionnels qui faut extirper tant de l’article 1 que des articles 72, 72-1, 72-2 de la Constitution de 1958. En effet, l’organisation décentralisée (art. 1 de la Constitution) de la République est composée de collectivités territoriales qui sont (art. 72 al.1 de la Constitution), sauf substitution ou fusion procédée par la loi : les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Ainsi, est constitutionnellement posée le fait qu’au sein d’une même parcelle du territoire indivisible de la République existe une multiplicité5 de collectivités territoriales. Concrètement, ces entités politico-administratives occupent le même coin de terre républicain. En outre, elles ont toutes vocation à prendre, en priorité et conformément à un objectif de libre administration (art. 72 al.3 et art. 72-2 al.1 de la Constitution), des décisions de proximité (art. 72 al.2 de la Constitution) dans l’ensemble de leurs sphères de compétence. Enfin, la coexistence des collectivités territoriales sur une même parcelle de terre ne peut être l’opportunité d’une mise en tutelle d’une ou plusieurs collectivités par l’une ou plusieurs autres (art. 72 al.5 de la Constitution).

 

Au regard de tous cela, il est perceptible que les principes, dorénavant, constitutionnels qui jalonnent la décentralisation, c’est-à-dire la libre administration, le principe de subsidiarité, l’interdiction de la tutelle, les blocs de compétences, le pouvoir réglementaire local, la démocratie locale ; interdisent la pratique d’un gouvernement territorial. Au contraire, ces principes imposent la réalisation d’une synergie indispensable à la cohérence de l’organisation décentralisée de l’indivisibilité de la République.

 

La gouvernance territoriale une synergie indispensable à une organisation territoriale indivisible et décentralisée

 

Les collectivités territoriales de la République s’administrent librement et ne peuvent, en principe, supporter aucune tutelle6 d’autres collectivités territoriales ou de l’État. Cela étant, la coexistence de ses autonomies locales suggère, dans un objectif de bonne administration7 de la décentralisation, de poser une synergie propre à donner à la cohabitation des collectivités territoriales sur une même parcelle de terre la cohérence indispensable à la bonne gestion des affaires locales. En effet, si de jure le législateur puis le constituant ont opté pour un cloisonnement8 des collectivités territoriales, corollaire notamment du principe de libre administration et d’interdiction de tutelle ; de facto il y a enchevêtrement9 voire doublon compte tenu du pluralisme et de l’interconnexion de la réalité territoriale. Les collectivités territoriales gèrent la même population et le même territoire, donc elles sont souvent en présence d’intérêts communs. Ainsi, de jure, sur le même projet il y a des sphères d’intervention différentes qui non coordonnées produisent une cacophonie réalisée par le gaspillage d’énergie et de ressources financières. Par conséquent, l’effort collaboratif est une exigence « […] lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales10 […] ». Cette situation de concours de compétence est en fait le principe de la gestion territoriale. Cela étant, l’article 72 al.5 de la Constitution permet au législateur de faire que l’une des collectivités ou que l’un de leurs groupements puisse organiser les modalités de leur action commune, mais cette permission constitutionnelle interdit11 au législateur de poser un chef de fil gouvernant l’action commune ; ce dernier doit être un coordinateur, un médiateur ou un mandataire.

 

Le pluralisme des collectivités territoriales et l’autonomie12 de gestion qui le caractérise posent la parcelle de terre républicaine (morceau du tout indivisible) au sein d’une diversité de volontés qui doivent s’accorder afin de pourvoir au mieux de leurs compétences respectives au développement et l’épanouissement du territoire et de la population qui en sont le support matériel. L’effort collaboratif est une efficacité tirée d’une méta-norme constitutionnelle qui procède une synergie au nom de la bonne administration de l’organisation décentralisée du territoire indivisible de la République. Cette méta-morne peut être identifiée par le concept de « gouvernance territoriale ».

La gouvernance territoriale est une méta-norme constitutionnelle car sa principale utilité est d’instituer une coopération13 entre les autonomies locales et l’État qui matérialise la cohérence14, l’effectivité et l’efficacité indispensable aux principes posés par la constitution c’est-à-dire : la libre administration, le principe de subsidiarité, l’interdiction de la tutelle, les blocs de compétences, le pouvoir réglementaire local, la démocratie locale. Par ailleurs, dans la continuité de la recherche de l’efficacité et de la cohérence (avec sa réalité géostratégique) de la gestion des affaires locales et des autonomies locales, la gouvernance territoriale (norme de synergie) est également entendue comme un vecteur de coopération transfrontalière15.

 

Sans synergie, sans effort collaboratif, la décentralisation poserait l’indivisibilité du territoire dans une précarité quasi-permanent. Cela dit en passant, cette synergie ne s’installe pas spontanément, parfois, elle doit lutter contre les clivages politiques qui gouvernent chaque collectivité territoriale. En outre, l’effort collaboratif ne doit pas occulter la nécessité de rationaliser les compétences des collectivités territoriales et, dans une certaine mesure, il faut peut-être envisager la réduction du nombre d’échelon politico-administratif. C’est en ce sens que se sont exprimés plusieurs rapports16 notamment l’expertise faite par Monsieur Balladur qui a pour beaucoup inspiré la réforme des collectivités territoriales récemment adoptée. Par ailleurs, en outre-mer, notamment en Martinique et en Guyane est, pour l’heure, en cours de conception la collectivité territoriale devant se substituer au département et à la région (art. 73 al.7 de la Constitution). Dans leurs présentations respectives, il semble que ces changements tendent à diluer l’effort collaboratif au profit d’un mode plus classique de gestion notamment portée vers une centralisation territoriale des compétences.

 

La dilution ou le renforcement de la gouvernance territoriale par l’aménagement du fonctionnement des collectivités territoriales

 

La configuration initialement posée par les articles 72, 72-1 et 72-2 de la Constitution qui semble imposer un effort collaboratif peut être aménagée autrement notamment conformément à l’article 73 al.7 ou 74 de la Constitution.

 

En effet, le premier texte en autorisant, conformément aux dispositions de l’article 72-4 de la Constitution, le législateur à créer soit une collectivité territoriale se substituant à un département et à une région soit une assemblée unique pour ces deux collectivités ; travail à une bonne administration de la décentralisation par la fusion. Autrement dit, afin d’atténuer les effets de l’impératif de libre administration et de la prohibition de la tutelle, la fusion de collectivité ou la fusion d’assemblée intègre la synergie qui devrait trouver à s’appliquer entre des entités totalement distinctes dans le fonctionnement d’une collectivité unique substituée ou d’une assemblée unique pour deux collectivités territoriales aux sphères de compétences différentes mais susceptibles d’être en concours. De ce point de vue, il est vrai que sur un territoire monodépartemental l’une ou l’autre option ne manque pas de pertinence dans la mesure où elles aménagent17 considérablement l’effort collaboratif par la réduction franche ou virtuelle d’un acteur territorial public. Du point de vue de la finalisation de l’autonomisation locale, les options précédemment décrites maintiennent le statut quo ante18 c’est-à-dire que les compétences sont constantes qu’il s’agisse d’une fusion par substitution de collectivité ou d’une fusion par l’unicité d’assemblée.

 

Le second texte (art. 74 de la Constitution) pose une collectivité territoriale dans le contenu reste à être pensé par la parcelle de territoire républicain intéressée. Cela étant, il y a une certitude. Il s’agit d’une collectivité unique qui ne se contenterait pas de se substituer à deux autres car elle a vocation à définir elle-même son degré d’autonomie via le nombre et le type de compétences que l’État accepterait de lui transférer définitivement19. Au-delà de cette donnée relative aux nouvelles compétences, au niveau de l’effort collaboratif il semble, d’une part que l’apport soit le même que les options de l’article 73 al.7 de Constitution dans la mesure où a priori il y aurait logiquement disparition de deux acteurs au profit d’un, sauf à concevoir une collectivité au sens de l’article 74 qui serait une « collectivité territoriale fédération » ce qui ne semble pas pertinent sur un territoire monodépartemental, mais qui participerait à l’institution d’une synergie de type fédérale voir confédérale. D’autre part, dans la mesure où cette collectivité au sens de l’article 74 suppute une réévaluation à la hausse des compétences et donc de l’autonomisation ; il est plausible de penser que l’effort collaboratif (la gouvernance territoriale) soit d’un niveau différent tant vis-à-vis des communes que vis-à-vis de l’État qui auront à faire à une collectivité semi-étatique ou quasi-étatique selon le degré de compétences transmises et sans que soit dénaturé le caractère indivisible et décentralisée de la République.

 

Enfin, au regard de la récente20 création des conseillers territoriaux qui auront à siéger tant au sein du conseil général qu’au sein du conseil régional ; là, il s’agit d’une fusion par unicité21 des représentants22. Les hommes sources de l’initiative politico-administrative étant les mêmes au sein de l’assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale, la synergie23 est inhérente à l’unicité des représentants, sauf schizophrénie de ces derniers.

 

Ainsi, pour l’heure, compte tenu des principes constitutionnels qui gouvernent la décentralisation et malgré les modifications à venir, la gouvernance territoriale parce qu’elle constitue un effort collaboratif indispensable à la bonne administration de la décentralisation semble être une efficacité qui a de beaux jours devant-elle et dont le législateur ou le constituant devraient voir à institutionnaliser davantage afin de ne pas la laisser aux aléas électoraux ou ne pas la soumettre à la mésintelligence d’acteurs incapables de faire abstraction de leurs différents au profit des intérêts qu’ils doivent nécessairement avoir en commun, c’est-à-dire le développement et l’épanouissement d’un territoire et d’une population parcelle de l’indivisibilité d’une République ayant une organisation décentralisée.

 

 

 

 

 


1. Gérard MARCOU, « La gouvernance : innovation conceptuelle ou artifice de présentation ? » p.5-18 ; Annuaire des collectivités locales (Tome 26).

2. Jacques CHEVALLIER, « La gouvernance, un nouveau paradigme étatique ? » p.203-217 ; Revue française d’administration publique (2003/1-2), n°105-106.

3. Mouvement amorcé dès 1955 lorsqu’avait été créé « 21 régions de programme ». Ces dernières sont remplacées en 1960 par des « circonscriptions d’action régionale » (CAR). Puis un décret en date du 14 mars 1964 crée des préfets de région, chargés de mettre en œuvre la politique du Gouvernement concernant le développement économique et l’aménagement du territoire de sa circonscription. La loi du 5 juillet 1972 met en place les 22 régions. Ce sont des établissements publics pourvus de deux assemblées : le conseil régional non élu et un comité économique et social. Le préfet de région détient le pouvoir exécutif (source : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/definition/quand-sont-apparues-differentes-collectivites-territoriales.html).

4. Voir également Charte européenne de l’autonomie locale adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, signé le même jour par la France. Ratification par la loi n°2006-823 du 10 juillet 2006.

5. Il ne faut pas oublier l’intercommunalité, qui semble être évoquée par l’article 72 al.5 de la Constitution, et les pays qui constituent une fraction du territoire reconnus par l’état comme présentant une cohésion géographique, culturelle, économique et sociale (Lexique des termes juridique – Dalloz).

6. Possible substitution par le Préfet en cas de graves difficultés budgétaire d’une collectivité territoriale : Conseil constitutionnel décision n°82-149 DC en date du 28 décembre 1982. Conseil constitutionnel décision n°2001-452 DC en date du 6 décembre 2001. Conseil constitutionnel décision n°2007-556 DC en date du 16 août 2007. Conseil constitutionnel décision n°87-241 DC en date du 19 janv. 1988. Conseil constitutionnel décision n°2007-559 DC en date du 6 décembre 2007.

7. Ou encore un bon pilotage de la décentralisation par l’État.

8. Chaque collectivité territoriale son bloc de compétence de gestion du territoire qui en est son support matériel.

9. Articles L.4221-1 (Région), L.3211-1 (Département) et L.2121-29 (Commune) du Code Général des Collectivités Territoriales.

10. Article 72 al.5 de la Constitution.

11. Conseil constitutionnel décision n°2008-567 DC, 24 juillet 2008, Journal officiel du 29 juillet 2008, p. 12151, texte n°2, cons. 33, Rec. p. 341. Conseil constitutionnel décision n°2001-454 DC en date du 17 janv. 2002.

12. Libre administration, interdiction de tutelle et bloc de compétence avec compétence générale au sein de chaque bloc de compétence.

13. Article L.1111-1 à L1111-4 du Code Général des Collectivités Territoriales.

14. Conseil constitutionnel décision n°83-160 DC en date du 19 juillet 1983 (considérants n°3 à 5) : évoque la nécessité d’une coopération entres les collectivités territoriales, mais également entre ces dernières et l’État.

15. Conseil constitutionnel décision n°94-358 DC en date du 26 janvier 1995 (considérants n°52 et 53). Article L.1115-1 à L.1115-7 du Code Général des Collectivités Territoriales.

16. Rapport Piron, rapport Warsman.

17. Réduction des financements croisés.

18. Avec la lourde procédure des habilitations législatives et réglementaires à négocier avec un État historiquement centralisateur et unitaire.

19. Plus besoin d’habilitation ponctuelle.

20. Loi n°2010-1563 en date du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales.

21. Conseil constitutionnel décision n°2010-618 DC en date du 9 décembre 2010, considérants n°20 à 24 : le conseiller territorial ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

22. Reste à voir si la fusion par unicité d’assemblée n’impose pas de fait la fusion par unicité de représentants. À la lecture de la décision n°2010-618 DC considérants n°29 et 30 : l’unicité de représentants n’est pas assimilable à l’unicité d’assemblée au point où l’article 72-4 de la Constitution n’a pas à être appliqué.

23. L’article L.1111-9 du Code Général des Collectivités Territoriales, illustre cette exigence.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:23

 

La notion de « contractualisation du procès·» ou encore de  « contractualisation de la justice1 » à fait l’objet de nombreux articles visant à en expliquer le contenu. De ces écrits il est aisé de déduire que la contractualisation du procès n’implique pas nécessairement l’usage de Modes Alternatifs de Règlement de Litiges (MARL) en revanche les modes de règlement amiable sont indissociables d’une logique contractuelle2 et ont pour finalité escomptée d’avoir l’effet judiciaire d’un jugement. La « contractualisation de la justice » est un terme générique qui décrit en quelques mots les clauses3 touchant à l’action en justice, celles relatives à l’instance, les protocoles d’accord ou encore les transactions et enfin les MARL. Pour certains c’est aussi une issue aux problèmes d’encombrement des juridictions car la contractualisation du procès  est la rencontre d’une commune volonté des parties en vue de trouver une solution à leur différend.

 

Dans le rapport4 dirigé par Jean-Claude Magendie et remis en 2004, la solution proposée sous l’intitulé « La contractualisation du procès civil5 » est construite sur deux axes les clauses attributives de compétence territoriale et l’amiable composition. Ces axes de réflexion n’ont rien à avoir avec des MARL. Le premier est une convention dans laquelle les parties s’accordent sur la juridiction qui sera territorialement compétente lorsque naîtra un litige (art. 48 NCPC). Le second axe est une faculté octroyée aux parties, celles-ci peuvent demander au juge de juger en équité (art. 12 in fine du NCPC). Le rapport6 Magendie proposait l’élargissement de la validité des clauses attributives de compétence7 et la réécriture de l’article 12, alinéa 4 du NCPC8. Malgré leurs pertinences, les réformes récentes9 de la procédure civile ne tiennent pas compte de ces propositions. Cependant le Législateur et le Juge posent les jalons de l’épanouissement d’une justice de proximité. Loin de la juridiction de proximité créée par la loi du 9 septembre 2002 (modifiée par une loi du 21 janvier 2005, complétée par deux lois10 de mars 2010) pour « débarrasser » les juges des « petits litiges » ; L’idée de contractualisation du procès est inhérente au concept d’une justice proche du justiciable car le litige reste la propriété des parties et ça résolution naît de « l’imaginaire » de celles-ci.

 

Le Législateur a produit des textes relatifs à l’arbitrage, la conciliation, la transaction, la procédure d’homologation11 et la médiation judiciaire12. Le juge dans sa lecture du droit a précisé les contours et la validité de certaines clauses13. Les justiciables français ont à leurs dispositions plusieurs outils afin de résoudre hors toutes juridictions étatiques les litiges nés ou à naître. La médiation semble attirée vers elle beaucoup de praticiens au point où ce Mode Alternatif de Règlement de Litiges se professionnalise14. Mais dans un paysage où les modes de règlements amiables sont si nombreux, qu’est-ce qui fait la différence ?

 

Malgré une efficacité démontrée, il est compréhensible que le justiciable « moyen » préfère la médiation à l’arbitrage car ce dernier est très coûteux, parfois plus que la voie judiciaire classique. De plus l’arbitrage n’est pas approprié à la résolution de « petits litiges », son domaine de prédilection est le commerce et ses « usagés » sont généralement des professionnels ou des sociétés comerciales. En outre il ne serait pas incorrect de considérer l’arbitrage comme une voie « parallèle » plutôt qu’une voie « alternative ». Car l’arbitrage est une véritable instance15, la loi et la pratique en ont fait une institution au détriment de son caractère contractuel. Les sentences16 arbitrales n’ont pas qu’une allure de jugement. Ainsi vu de l’extérieur et il en est probablement de même vu de l’intérieur, l’arbitrage ressemble17 beaucoup au monolithe des institutions judiciaires au point où c’est la voie classique qui dans cette situation devient une alternative.

Lorsqu’un justiciable envisage18 une alternative aux voies classiques, il s’y engage en spéculant sur l’accessibilité (coût), la rapidité et l’efficacité (satisfaction). Alors si le choix du mode alternatif est motivé uniquement par les questions de célérité et du rapport coût de la procédure ; pourquoi ne pas préféré la conciliation à la médiation ? Le conciliateur de justice est un bénévole contrairement à beaucoup de médiateurs.

 

La médiation est un contrat qui organise un processus de règlement amiable d’un litige à naître ou né. Les règles qui régissent cette situation sont celles de l’expression de l’autonomie des volontés des parties dans la limite du respect de l’ordre public. Mais concrètement quelle est la portée juridique de la médiation ? Quelle est l’efficacité juridique ou judiciaire de l’accord qui en découle ?

La médiation doit être observée d’un point de vu contractuel à savoir au regard des principes directeurs des contrats, de ces modes de formation, d’existence et de validité pour en déduire si ce MARL peut tirer toute son efficacité de la seule logique contractuelle. D’un point de vue procédural et processuel, ce contrat offre t-il les mêmes garanties qu’un procès et le protocole d’accord, qu’il soit homologué19 ou non, offrira t-il des garanties similaires à un jugement comme c’est le cas pour une sentence arbitrale ? il semble que c’est le cas ; en outre il est moins sujet aux difficultés d’exécution que rencontre beaucoup de décisions de justice.

 

 


 

 

1. Loïc Cadiet, « Découvrir la justice », Dalloz, 1997, p. 65

2. Michèle Guillaume-Hofnung, « La médiation », que sais-je ? n°2930. Martine Bourry d’Antain, Gérard Pluyette, Stephen Bensimon, « Art et techniques de la médiation », Pratique professionnelle, Litec

3. Loïc Cadiet, « Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice », sous la direction de J. MESTRE, les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p. 193-223.

4. Rapport Magendie, « Célérité et qualité de la justice » 2004, http://www.justice.gouv.fr

6. Le rapport Guinchard est, sur ce point, plus (mieux) inspiré.

7. Rapport Magendie, « Célérité et qualité de la justice » 2004, p. 86

8. Rapport Magendie, « Célérité et qualité de la justice » 2004, p. 87

9. Décret du 20 août 2004 et Décret du 28 décembre 2005.

10. Loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale ; Loi n°2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

 

11. Décret du 28 décembre 1998 crée l’article 1441-4 du NCPC

12. Décret du 22 juillet 1996 crée un titre VI bis « La médiation »

13. Décision de la Cour de cassation du 14 février et du 17 juin 2003 concernant les clauses de conciliation. Décision de la Cour de cassation du 8 avril 2009 (pourvoi n°08-10.866) relatif à une clause de médiation.

14. Jean-Pierre Bonafé-Schmitt, « Les médiateurs : vers une professionnalisation ? » dans, les modes alternatifs de règlements des litiges : les voies nouvelles d’une autre justice, p. 205

15. Voir Titre II du livre quatrième du NCPC, art ; 1460 à 1468 du NCPC

16. Art. 1469 à 1491 du NCPC

17. L’arbitrage assure une confidentialité que les juridictions classiques ne peuvent pas toujours garantir. De grands litiges commerciaux sont réglés par la voie de l’arbitrage (interne ou international) ou sont délocalisés (clause attributive de compétence).

18. Il faut insérer cette démarche dans une logique consumériste, les MARL sont plus sensible à cette logique que les voies classiques.

19. Jean-Baptiste Racine, « Les incertitudes de la transaction dite homologuée », p. 151 dans Les modes alternatifs de règlement des litiges : les voies nouvelles d’une autre justice, la documentation française

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:21

 

Il ne s’agit pas de réfléchir sur la nature du dualisme juridictionnel car il semble que dans ce cas qu’il faille sonder les âmes. Ce qui importe, c’est principalement d’appréhender le processus mental qui a imposé ou qui est le prologue de l’institutionnalisation d’un système juridictionnel sous la forme d’un dualisme des ordres de juridictions. L’homo juridicus, modèle intellectuel synthèse des entités susceptibles d’être architecte d’un système juridictionnel (Constituant, Législateur, Exécutif en tant que pouvoir réglementaire), est délimité dans son action et ses choix par deux contraintes indéfectibles : sa rationalité et son environnement.

 

Les faits qui composent la réalité préexistent à l’ordre de l’homo juridicus. D’ailleurs, il est lui-même un fait de la réalité qui précède l’ordre juridique. Toutefois, avant de poursuivre la réflexion, il est important de souligner qu’il ne faut pas assimiler la locution « réalité préexistante » à celle « d’ordre social organisé » envisagée par Santi ROMANO1 et qui selon cet auteur préexiste à l’ordre juridique. Toutefois, de cet auteur, il faut conserver la perspective pluraliste. En l’espèce, La réalité préexistante est la nature dans toute sa force. Donc, il ne s’agit pas d’un ordre humain mais du réel matérialisé par la biosphère. Cette dernière est une sorte de « désordre » que l’homo juridicus souhaite ordonner et soumettre à une signification. Dans cette hypothèse il est question de domination ; non sur le plan physique (ce qui n’est pas à exclure pour autant) mais surtout en ce que donner un sens permet de façonner et donc d’imposer une structure.

 

Au sein de ce qu’il a lieu de nommer « désordre naturel » ou réalité préexistante, les éléments qui le composent ont un rapport de causalité. De là, tous les faits y sont des causes et des effets. Aussi, comme l’homo juridicus est lui-même un fait au sein de cette réalité. Par conséquent, il est également cause et effet. L’homo juridicus pour établir un ordre, transcende la réalité préexistante à fin de soumission de celle-ci au sens2 donné par sa rationalité. En effet, les faits constitutifs du désordre naturel sont l’objet principal de l’homo juridicus, mais ce dernier ne cherche pas à affronter la causalité qui est une fatalité physique. Au contraire, il aspire à imposer un autre type de causalité qu’il faut nommer imputabilité3. C’est ainsi que l’homo juridicus identifie les faits du désordre naturel afin de les englober dans un ordre établi par lui. Dans cet ordre, les faits identifiés se voient imputer d’autres effets que ceux qui sont fatalement issus de la causalité physique. Les effets civils imputables sont définis par l’homo juridicus. Ces derniers correspondent au projet sociétal matérialisé dans l’ordre juridique. Les faits identifiés auxquels sont imputables des effets juridiques ou civils, constituent un ordre de validité. Au sein de ce système rationnel, la norme juridique qui est également assimilable aux verbes descriptifs de situations civiles, précède la sanction ou autrement dit, les effets juridiques imputables aux situations décrites. À défaut d’un tel mécanisme, il existe un discours qui, acceptable par la majorité des intéressés, repose sur un principe préexistant et propre à justifier a posteriori la sanction (effet civil).

 

Cela étant, en tout état de cause, il y a une norme qui porte l’identification ou un principe à partir duquel elle peut être déduite. Les identifications sont associées à une causalité juridique. L’ordre de validité formé par ces dernières constitue le support des situations qui sont susceptibles de sanctions. Ces situations susceptibles de sanctions via l’intervention d’un organe disposant de la juridictio sont classées selon le type de perception adopté par l’homo juridicus. Le classement des situations justiciables est un processus catégoriel nécessaire à l’intelligibilité et au caractère opérationnel de l’ordre de validité car il propose un système d’identification qui permet la qualification du fait générateur du contrôle juridictionnel.

 

En effet, la normalisation de la situation déviante est possible uniquement si elle est identifiable. Aussi, l’identification et le traitement de la déviance sont plus aisés si le système de validité est un ordre rationnellement organisé. Cependant, cette organisation logique n’impose pas la mise en œuvre d’une structure dichotomique du système qui a pour fonction d’expurger la réalité civile. Attribuer cette option organisationnelle au hasard n’est pas une explication satisfaisante. L’homo juridicus lève les options qui se posent à lui avant tout dans une optique stratégique. Aussi, même si ceci ne signifie pas qu’il contrôle la totalité des conséquences de ces choix ; cette proposition a le mérite de rendre intelligible et accessible les données qui auraient commandé le choix d’un dualisme des ordres juridictionnels.

 

La « sensibilité » à travers laquelle l’homo juridicus perçoit la réalité doit avoir une incidence non négligeable sur le choix de la ligne directrice d’un classement. Il faut comprendre que l’axe de classement reflète le type de perception qui aura été privilégiée. Cela signifie que lors du processus de mise en place de schèmes4, l’homo juridicus peut décider de structurer son ordre rationnel comme un tout monolithique ou comme un tout fragmenté ou encore comme une dualité. Ce qui correspondrait à n’avoir qu’un droit ou un droit civil composé de subdivisions ou encore une dichotomie droit civil - droit pénal. En outre, il pourrait s’agir de percevoir l’ordre rationnel sous un angle mystique (divinité – humanité) ou politique (gouvernants – gouvernés). Cette perception sensitive peut donc répondre d’une autre rationalité que celle qui est inhérente à l’homo juridicus. Ceci pose donc l’idée selon laquelle : le modèle intellectuel de la rationalité de l’acteur juridique n’est pas un paradigme autarcique et apathique, c'est-à-dire qu’il est ni apolitique, ni areligieux, ni amoral. Ces choix stratégiques et l’institutionnalisation des faits de la réalité préexistante répondent nécessairement à une logique.

 

Le monisme, le dualisme ou le pluralisme d’un système ne peuvent être une exception à cette pesanteur. La répartition des activités justiciables (eventus judicii)5 entre différentes juridictions ou ordres de juridictions procède d’un raisonnement dont l’objectif premier est de faire un tri (objectif ou subjectif) entre les situations justiciables. Alors, vraisemblablement la morphologie d’ensemble de la mécanique qui bénéficie de la méthode ne peut s’affranchir de l’axe directeur du classement. L’objectif de l’homo juridicus est de soumettre la société (lato sensu) dont il fait partie à son commandement. Par conséquent, en tant qu’être de raison il doit établir un champ d’intervention, une sphère de compétence juridique et juridictionnelle. La juridicité de ses commandements est une garantie de leurs efficacités et de leurs effectivités.

Dans cette hypothèse, l’institutionnalisation de la domination de l’homo juridicus ne peut se faire sans adopter la logique d’une entité catégorielle, qu’elle soit de genre monolithique, dichotomique ou pluraliste. Quel que soit le choix du paradigme catégoriel, il reste à l’homo juridicus à déterminer les critères de différenciation compatibles au sens qu’il a donné au « désordre naturel ». Les critères de différenciation doivent être puisés dans la rationalité constituée par l’ordre juridique sinon il y aura une incohérence entre l’objectif et le moyen. En effet, un système juridictionnel qui utiliserait des critères incompatibles avec ceux de l’ordre juridique serait parfaitement inefficace. En outre, Il existe une quantité non négligeable de critères de différenciation susceptibles de structurer la mécanique juridictionnelle en bonne intelligence avec la réalité juridico-politique. Un certain réalisme s’impose donc à l’homo juridicus.

 

Le réalisme des nombreuses bases discriminantes existantes est tout aussi plausible que celle qui fait actuellement autorité lorsqu’il est abordé la question du dualisme des ordres juridictionnels. Le processus mental dépeint précédemment, montre que la dichotomie6 droit privé – droit public ne semble pas être irrésistible. Tous les systèmes juridictionnels ne sont pas structuré par un dualisme des ordres juridictionnel. Il ne s’agit pas d’une vérité physique (comme les lois de la pesanteur, par exemple) mais d’une signification contestable et contestée dont la force causale tient principalement de l’intellect. Ainsi, le monisme juridictionnel, le dualisme des ordres de juridiction et le pluralisme des ordres juridictionnels sont porteurs ou garants d’une signification qui ne tient ni de la spontéparité ni du hasard. Il existe des contraintes qui, intérieures ou extérieures, portent l’homo juridicus vers un type de perception catégorielle stratégiquement opportune.

 

Les contraintes endogènes causes subjectives du processus de structuration

 

L’institution qui veut préserver son existence et imposer son imaginaire au réel, car c’est bien de cela qu’il s’agit, doit nécessairement transmuter l’ordre non humain et soumettre ces alter ego. Ce programme égocentrique ne peut être réalisé efficacement sans méthode. En effet, afin d’avoir une appréhension optimale de l’environnement civil correspondant aux situations justiciables qui ont été définies comme les effets juridiques imputables aux faits identifiés au sein de l’ordre juridique. Il est stratégiquement opportun pour l’homo juridicus d’entamer un processus catégoriel qui procédera à la structuration de l’organe qui réalisera l’ordonnancement juridique posé. Cela étant, le classement et le rangement semblent être les moyens inéluctables d’une appréhension fonctionnelle du réel juridique. Toutefois, la mise en œuvre de ces moyens est tributaire de la sensibilité de l’entité qui veut transmuter « le désordre naturel » en ordre sensé. Alors, se pose à elle deux genres de sensibilité : l’une irrationnelle et l’autre rationnelle. « L’effort romain » est un bel exemple des précédents propos, car d’une part il caractérise le processus catégoriel que peut aborder un homo juridicus. D’autre part, il offre de nombreux schèmes classificatoires qui ont forgé l’ordonnancement juridique romain et a fortiori, cet « effort romain » propose des classifications de type dichotomique qui auraient pu servir de support à une organisation dualiste des systèmes juridictionnels contemporains. Mais l’implacable pesanteur des réalités socioéconomiques adjointe à l’irrésistible force centripète inhérente aux enjeux de pouvoir, constituent à elles deux des contraintes7 exogènes qui ont forcé d’autres réalisations. Aussi, il doit être admis qu’il existe une certaine précarité du parcours qui mène au dualisme des ordres juridictionnels et cela sans abandonner au contingent ou au capricieux l’explication de l’organisation dualiste du système juridictionnel.

 

En effet, il subsiste un fort ancrage spatio-temporel, c'est-à-dire que l’explication du choix organisationnel de l’homo juridicus (Constituant, Législateur, Exécutif en tant que pouvoir réglementaire) ne peut être exclusivement juridique mais surtout il ne serait pas honnête d’exclure des perspectives historiques et territoriales. Cependant, il doit être possible de trouver une constante en axant l’analyse sur les contraintes qui sont inhérentes à l’homo juridicus8. Ce dernier à toujours un projet de domination et travail toujours à garantir son existence via des justifications qui sont acceptables par ce qui sont l’objet de la domination. Aussi, a priori, l’organisation d’un système juridictionnel et en particulier la mise en œuvre d’un dualisme des ordres de juridiction ne peuvent aller à l’encontre du dessein de domination notamment l’impératif de réalisation du droit posé. Ce qui signifie qu’il y a un impact indiscutable entre le projet escompté et la levée des options posées ; n’est-il pas dit que « la fin justifie les moyens » ?

 

Les contraintes exogènes et intrastructurales inhérentes à la validité de la structuration

 

Il est vrai que la présente analyse postule une rationalité quasi infaillible des acteurs et semble laisser croire que ceux-ci disposent d’un contrôle absolu sur toutes les données nécessaires à la construction de leurs systèmes ; et qu’ils ont une maîtrise parfaite des conséquences de leurs initiatives à tel point que le moindre interstice résulte immanquablement d’une réflexion préconstruite. Il est indispensable de nuancer ce postulat afin d’être plus proche du vrai que du vraisemblable.

 

L’autocontrainte9 est un fait qui n’explique pas toutes les facettes d’une réalité. S’il est plausible qu’il existe des forces intérieures à l’homo juridicus qui portent l’initiative de la structuration du système juridictionnelle afin d’asseoir différents objectifs qu’il n’est pas inopportun de réduire dans le concept de domination. L’homo juridicus n’est pas la seule source d’initiative, il existe d’autres acteurs qui sont soit ses alter egos soit des avatars plus ou moins fidèles. Dans cette hypothèse il s’agit de prendre en compte les forces mises en mouvement par les interactions ou/et les interconnexions qui existent entre les différents acteurs dont les objectifs peuvent être divergents ou convergents. Ce pluralisme d’objectif constitue des rapports de forces d’essence sociale, économique ou politique. Le système juridique est une structuration de ces faits, car il postule un tout cohérent quelque peu déformé dans la mesure où son axe directeur sera celui de l’entité qui aura posé sa domination. Le système juridique et a fortiori le système juridictionnel constituent un syncrétisme partial des rapports de forces qui existent entre les individus et les différentes entités qui composent la société.

 

Les rapports de forces sont dissous au sein d’une interaction normative qui n’exclue pas nécessairement les inégalités de faits mais civilise en superposant aux rapports de forces des rapports de droit10. Les normes imposent un modèle sociopolitique propre à régir l’ensemble des activités humaines et l’organe juridictionnel doit être capable de réaliser les solutions indispensables aux inévitables litiges qui naîtront de la vie en communauté et qui sont susceptibles de mettre en péril le projet sociétal escompté.

Il y a une dynamique entre les groupes, entre les individus, mais également entre les entités sociales politique et économique qui proscrit l’immobilisme du système juridique. C’est ainsi que ce mouvement continuel et pluraliste exige « la complétude11 » et l’adaptabilité circonstancielle (sans précarité chronique du système) de l’ordre juridique. Les lacunes du système juridique et les défaillances de l’organe juridictionnel sont autant de troubles potentiels au projet sociétal escompté. L’homo juridicus est généralement très réactif aux stimuli exogènes constitués par la satisfaction de ceux qui subissent le système. En fait, la satisfaction est surtout le point de rencontre entre la mise en place d’un système réalisant les aspirations de l’entité génitrice et l’acceptation du système par ses usagés. De là, il est possible de dire que la structuration du système juridique et l’ossature de l’organe juridictionnel tiennent plus de la conjoncture12, c'est-à-dire de la liaison d’événements concomitants dans une situation donnée ; plutôt que du contingent13, c'est-à-dire qui existerait au gré de la fantaisie de chacun. Le monisme juridictionnel, le dualisme des ordres juridictionnels et le pluralisme des ordres juridictionnels constituent des points de satisfaction encrés dans leurs réalités respectives.

 

 


 

1. Santi ROMANO, « L’ordre juridique » ; traduit par Lucien FRANçOIS et Pierre GOTHOT ; Dalloz (2002).

2. Alain SUPIOT, « Homo juridicus : Essai sur la fonction anthropologique du droit » ; Seuil – La couleur des idées (2005).

3. Hans KELSEN, « Théorie générale des normes » ; Traduit de l’allemand par Olivier BEAUD et Fabrice MALKANI ; Léviathan – PUF

4. Représentation qui est intermédiaire entre les phénomènes perçus par les sens et les catégories de l'entendement`` (Leif 1974). Type, principe ou catégorie conçus dans l'abstrait, dont relève quelque chose; principe général d'organisation (http://www.cnrtl.fr/definition/schèmes).

5. Position de P. AMSELEK, H. KANTOROWICK, D. d’AMBRA (qu’elle cite dans son ouvrage « l’objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges »).

6. Baptiste BONNET et Pascale DEUMIER (sous la direction de), « De l’intérêt de la summa divisio droit public-droit privé ? » ; Dalloz (2010).

7. Éric MILLARD, « Théorie générale du droit », Connaissance du droit – Dalloz 2006.

8. Il est important de dissocier l’homo juridicus de l’acteur d’un éventuel ordre juridique international car dans cet hypothèse il s’agit plus d’un environnement conventionnel.

9. Michel TROPER, Véronique CHAMPEIL-DESPLATS et Christophe GRZEGORCZYK ; « Théorie des contraintes juridiques » ; Bruylant LGDJ – La pensée juridique.

10. André RIALS, « L’accès à la justice » ; PUF – « Que sais-je ? ».

11. État, caractère de ce qui est complet, achevé, parfait (http://www.cnrtl.fr/definition/complétude).

12. Liaison d'événements concomitants dans une situation donnée (http://www.cnrtl.fr/definition/conjoncture).

13. André DEMICHEL et Pierre LALUMIèRE, « Le droit public » 6ème édition ; PUF – « que sais-je ? ».

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 23:17

 

La sujétion est un processus consubstantiel au caractère impératif de la règle de droit. La mise en œuvre de cette efficacité de la justiciabilité nécessite l’intervention d’un organe spécialisé. Historiquement, la justiciabilité « ordinaire », celle des actes de l’administration et celle de la Loi étaient le fait d’une même autorité. En effet, au sein de l’empire romain, durant le Moyen-Âge ou encore sous l’Ancien Régime, l’entité qui administrait était également celle qui avait l’office de juger si bien que le contenu de ces fonctions était perçu comme indissociable.

 

Les Cours souveraines de l’Ancien Régime étaient des autorités administrative et judiciaire car le roi, seul détenteur du pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire), avait conféré à ces entités une parcelle de sa souveraineté. Elles avaient donc une autorité tant au sein de la police (ou administration) générale (dans le cadre de leurs compétences) qu’au sein de la résolution des différends nés dans leurs circonscriptions.

L’utilisation déviante de cette autorité conférée a nécessité un correctif. En effet, si les parlements de l’Ancien Régime, malgré leur indépendance de fait, avaient continué à servir docilement le monarque ; l’édiction d’un principe de séparation des autorités administrative et judiciaire serait inopportun. La prohibition portée par le principe de séparation des autorités est la solution réflexe qui apporte la résolution supposée la plus immédiate contre un problème ponctuel, c'est-à-dire les complications posées à l’action de l’administration par les Cours souveraines via les moyens tant judiciaire qu’administratif dont elles disposaient. Aussi, au regard du dysfonctionnement que posait l’abus d’autorité des parlements. Il tenait d’une bonne administration du royaume que de procéder à une réorganisation structurelle et fonctionnelle du système administratif/judiciaire.

Ainsi, il faut appréhender la signification du principe de séparation des autorités administrative et judiciaire en tenant compte de l’efficacité escomptée par l’auteur de ce dernier. En effet, l’objectif de l’Administration centrale (Monarchie, Directoire, Consulat, l’Empire, Restauration) était de préserver son pouvoir et même de l’accroître (absolutisme ou autoritarisme). Ainsi, il était opportun pour le pouvoir central, à défaut de docilité spontanée du corps principalement dépositaire des autorités administrative et judiciaire, de s’octroyer un mécanisme de soumission au droit qui s’ajuste bien aux nécessités de la Raison d’état et qui soit également concordant avec le projet sociopolitique de celui qui gouverne seul ou en conseil.

 

Le principe de séparation des autorités ne partage pas les mêmes valeurs que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Pourtant, le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire a cohabité avec l’un des principes phares de la déclaration précitée, c'est-à-dire le principe de la séparation des pouvoirs. Il y a une antinomie indiscutable1 entre ces principes, et leur cohabitation marque un hiatus tant organisationnel que juridique. En effet, il y a une cacophonie2 dans le fait de prôner la plénitude3 et l’indépendance de chaque pouvoir composant l’entité étatique corrélativement à la réitération d’un principe d’interdiction de l’exercice, par l’un des pouvoirs (le judiciaire), de sa plénitude.

 

Les révolutionnaires ont eu du mal à réaliser les valeurs contenues au sein de leur « Déclaration ». Leur action est surtout marquée par une forte réaction à la réalité de l’Ancien Régime surtout aux conflits entre le roi et les parlements. Ainsi, l’érosion de la cacophonie est-elle véritablement entamée4 à partir de la loi du 24 mai 1872. Entre temps, c’est forgée et consolidée la mythique « conception française de la séparation des pouvoirs5 ».

 

 


1. Dany COHEN, « La Cour de cassation et la séparation des autorités administrative et judiciaire » p.1-11 ; Economica (1987) – Collection, droit civil.

2. Michel TROPER, « La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française » p.43-57 ; LGDJ.

3. Jean FOYER, Gilles LEBRETON et Catherine PUIGELIER, « L’autorité » p.231-255 ; PUF (2008).

4. Dany COHEN, « La Cour de cassation et la séparation des autorités administrative et judiciaire » p.143-145 ; Economica (1987) – Collection, droit civil.

5. Décision du Conseil constitutionnel en date du 23 janvier 1987 (n°86-224 DC).

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 22:29

 

Malgré sa filiation avec un régime despotique, le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire est réitéré1 par l’Assemblée Constituante. La loi (art.10 et 13) des 16-24 août 1790 et le décret pris le 16 fructidor en III par la Convention nationale sont la première réitération du principe, pendant la Révolution, et il le sera continuellement.

 

Au point où il n’y a pas véritablement de débat2 sur la question du contrôle de la conformité de la loi. En outre, les mécanismes mis en œuvre pendant la révolution (intervention de l’exécutif : le roi3 [1791], le Directoire4 [1795] ou encore l’intervention du peuple [1791]), le sénat impérial5 puis le Comité constitutionnel6 sous la IVème République sont des échecs. C’est ainsi qu’il n’y aura pas de contrôle juridictionnel, effectif et efficace7, de la conformité de la loi à une norme supérieure avant la naissance du Conseil constitutionnel sous la Vème République.

 

Cependant, dans le respect de leurs compétences, des organes administratifs (tels les ministres et les autorités départementales, durant la période révolutionnaire, ou encore le Conseil d’état et conseils de préfectures, depuis la période napoléonienne) et le juge judiciaire (tel le Tribunal de cassation [1790], puis Cour de cassation [1804]) ont pu procéder à un contrôle de constitutionnalité. Il ne s’agissait pas, à proprement dit, du contrôle de la constitutionnalité de la loi, mais plutôt du contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs pour le premier. Pour le second, il s’agissait du contrôle de constitutionnalité des décisions judiciaires. Dans cette dernière hypothèse, en cas de résistance des juridictions inférieures, il y avait référé législatif8 soit procédé par le corps législatif9 soit par l’exécutif10.

 

Pour ce qui est de la « régulation de l’activité normative11 » du pouvoir central, le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire est à l’origine d’une longue marche dans le désert pour l’institution d’un « dépôt de lois12 ». En effet, les Cours souveraines, du fait de leurs positions au sein de l’organisation judiciaire et administrative de l’Ancien Régime, effectuaient, via l’enregistrement et les remontrances, un contrôle assimilable à une vérification de la conformité de l’activité normative à la loi fondamentale. Le principe de séparation des autorités porte également un coup d’arrêt à cette pratique.

 



1. Raymond MARTIN, « Sur l’unité des ordres de juridiction » RTD civ. 1996, p.109. Marceau LONG, « L’état actuel de la dualité de juridictions » RFDA 1990, p.689. Dany COHEN, « La Cour de cassation et la séparation des autorités administrative et judiciaire » p.82-101 ; Economica (1987) – Collection, droit civil.

2. Marco FIORAVANTI, « Sieyès et le jury constitutionnaire : perspectives historico juridiques » p.87-103 ; Annales historiques de la Révolution française n°349 (juillet-septembre 2007). Michel VERPEAUX et Maryvonne BONNARD, « Le conseil constitutionnel » p.16-25 ; La documentation française – études.

3. Jacques GODECHOT, « Les Constitutions de la France depuis 1789 » p.67 ; GF Flammarion (1995).

4. Jacques GODECHOT, « Les Constitutions de la France depuis 1789 » p.116-117 (art.131 de la Constitution de l’an III) ; GF Flammarion (1995).

5. Jacques GODECHOT, « Les Constitutions de la France depuis 1789 » p.153 (art.21) et p.154 (art.28) ; GF Flammarion (1995).

6. Bernard CHANTEBOUT, « Droit constitutionnel » p.47-48 ; Sirey (26ème édition). Louis FAVOREU, « Droit constitutionnel » p.271 (384) ; Précis Dalloz (2005).

7. Louis FAVOREU et Loïc PHILIP, « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel » p.235-252, Dalloz (14ème édition) : décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association ». Saisine du juge constitutionnel par des parlementaires, depuis la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 : Michel VERPEAUX et Maryvonne BONNARD, « Le conseil constitutionnel » p.55-56 ; La documentation française – études. Henry ROUSSILLON, « Le conseil constitutionnel » p.25-34 ; Dalloz (6ème édition). Saisine par le citoyen par voie d’exception : loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 qui insère notamment un nouvel article 61-1 à la Constitution du 4 octobre 1958.

8. Michel TROPER, « La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française » p.58-68 ; LGDJ.

9. Jean FOYER, « Histoire de la justice » p.63 ; PUF – Que sais-je ?

10. Romuald SZAMKIEWICZ et Jacques BOUINEAU, « Histoire des institutions (1750 à 1914) » p.278 (470) ; 2ème édition – Litec.

11. Louis FAVOREU, « Droit constitutionnel » p.290 (431) ; Précis Dalloz (2005).

12. MONTESQUIEU, « De l’esprit des lois » p.108-111 ; Tome I ; Folio essais n°275 – Éditions Gallimard 1995.

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