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Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


24 février 2011 4 24 /02 /février /2011 00:21

La France est une République indivisible (art. 1er de la Constitution). Cela signifie que la diversité de son territoire et son organisation administrative doivent être perçues comme un ensemble unitaire. Ainsi, les mouvements de décentralisation et de déconcentration ont pour principal objectif non de diviser l’État français, mais d’établir des dispositifs susceptibles de prendre des décisions de proximités (art.72 al.2 de la Constitution). Les Collectivités territoriales (Communes, Départements, Régions, Collectivités à statut particulier et Collectivités régies par l’art. 74) sont des dispositifs de décentralisation dont l’autonomie financière (art. 72-2 de la Constitution) et l’autonomie de décision (art. 72 al.3 de la Constitution) sont constitutionnellement garantis.

Chaque Collectivité territoriale a sa sphère de compétence. Cela signifie que chacune des collectivités territoriales peut agir uniquement dans le domaine de compétence que la loi (Art. L.4221-1 (Région), L.3211-1 (Département) et L.2121-29 (Commune) du Code Général des Collectivités Territoriales) lui a attribué sans pouvoir empiéter sur le domaine de compétence d’une autre, sans pouvoir subordonner une autre Collectivité (art. 72 al.5 de la Constitution). De ces impératifs constitutionnels, il ressort que les Collectivités territoriales situées sur une même parcelle du territoire de la République sont obligées de coopérer si elles veulent administrer efficacement et dans le respect de la Constitution. Cette obligation de coopération est ce qu’il y a lieu de désigner par « gouvernance territoriale ».

 

Alors, vous me demanderez : « mais qu’est-ce que tout cela a avoir avec le renouvellement du conseil général ? quel rapport avec la future Collectivité de Guyane ? »

L’enjeu des derniers référendums sur l’évolution statutaire ou institutionnelle, l’enjeu de chaque élection locale qu’il s’agisse des municipales ou des régionales ou encore des cantonales est toujours le même : la gouvernance territoriale.

 

Pour les Collectivités territoriales métropolitaines l’évolution « institutionnelle » est posée par la loi n°2010-1563 en date du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. Ce texte procède non à une substitution-fusion de collectivité ou d’assemblée telle que prescrite par l’article 73 dernier alinéa de la Constitution (collectivité unique ou assemblée unique), mais réalise une substitution-fusion d’élus (c'est-à-dire maintien de l’individualité des collectivités mais institution d’élus uniques), car les conseillers régionaux et les conseiller généraux des collectivités métropolitaines seront remplacés par les conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au conseil régional et au conseil général. Vous comprenez que ces dispositifs de substitution-fusion en vocation à réduire les zones d’incertitude qui subsistent lorsque la gouvernance territoriale est synonyme de coopération entre élus de collectivités a compétences et à cultures de travail différentes sans option possible de subordination (interdiction de tutelle entre les Collectivités [art.72 al.5 de la Constitution]).

Pour la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe (cette dernière a été exemptée de consultation) aucun changement de configuration ne peut être prise de la seule initiative du gouvernement contrairement à la marge de manœuvre dont il dispose pour prendre l’initiative de l’évolution des Collectivités territoriales métropolitaines. En effet, la Constitution impose à l’exécutif national d’avoir, au préalable (art. 72-4 de la Constitution), le consentement des électeurs « d’outre-mer » afin de procéder à une l’évolution « statutaire » (modification du régime législatif ou/et des compétences) ou à une évolution « institutionnelle » (modification de l’organisation de la collectivité). L’évolution statutaire a été refusée (1er référendum). L’évolution institutionnelle a été acceptée (2nd référendum). La marche vers la Collectivité de Guyane est lancée, à compter de ce choix des électeurs inscrits sur les listes électorales de Guyane. Par conséquent, la fin de vie de la « région Guyane » et du « département Guyane » est entamée. Le Conseil général vie ses dernières heures. Cette ultime (quoique partielle) élection cantonale devra renouveler un conseil de vigilance, d’anticipation, de préparation et d’organisation de la fusion en marche.

 

La Collectivité de Guyane (art. 2 du projet de loi ; éventuel article L7111-1 du Code général des collectivités territoriales) est l’institution qui naîtra de la substitution-fusion décrite au dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution. Conformément à la constitution, il s’agira uniquement de la fusion, au sein d’une unique Collectivité territoriale, des attributions qui étaient celles du département et celles de la région (art. 2 du projet de loi ; éventuels art. L7111-1 et L.7151-1 du Code général des collectivités territoriales). Cette configuration réduit l’effort de coopération car celui qui sera le président de cette Collectivité de Guyane aura entre ses mains une concentration de pouvoirs administratifs ( a priori compétences du président du conseil général et compétences du président de région [le projet de loi est obscure sur cette question]) sans contre-pouvoir politique institutionnel (le projet de loi n’envisage aucun contre pouvoir, ce qui est anti-démocratique mais pas nécessairement inconstitutionnel), sauf sollicitation du juge administratif (Code de justice administrative) et vigilance des juridictions financières (Code des juridiction financières) ou interventionnisme du préfet (art. 9 du projet de loi ; éventuel article L1451-1 du Code général des collectivités territoriales).

Aussi contestable que soit le dispositif envisageant l’intervention du préfet, il est sain, à défaut de dispositif démocratique instituant un véritable contre-pouvoir politique, qu’il subsiste au moins une autorité administrative susceptible de garantir la continuité de l’action territoriale en cas de dysfonctionnement ou de non-fonctionnement temporaire ou permanent de la future Collectivité de Guyane. Cependant, il eut été préférable (peut-être est-il encore temps ?) de privilégier un dispositif démocratique de type minorité de blocage ou minorité d’impulsion dont l’opposition (quelle quel soit) pourrait faire usage afin de prévenir tout dysfonctionnement ou tout non-fonctionnement. Bien entendu, un tel dispositif devrait être solidement cadré pour ne pas être la source ou pour ne pas contribuer au dysfonctionnement ou au non-fonctionnement de la Collectivité de Guyane.

 

En l’état du projet de loi, l’efficacité recherchée est d’ordre administratif. Il y a dissolution d’un échelon de gouvernance territoriale au profit d’une concentration de la prise de décisions locales. Il n’y a pas davantage d’autonomie (art.73 dernier alinéa), car il s’agit d’une fusion à droit constant. Le projet de loi en est la preuve. Malheureusement, cette évolution a droit constant peut être dommageable dans la mesure où les institutions envisagées pour « conduire » la Collectivité de Guyane n’instaurent pas de gouvernance (art. 2 du projet de loi ; éventuel art. L7121-1 du Code général des collectivités territoriales) mais une direction monocéphale qui aura entre les mains la gestion des affaires sociales, économiques, culturelles, environnementales, éducatives du Pays de Guyane (art. 2 du projet de loi ; éventuels art. L7111-1 et L.7151-1 du Code général des collectivités territoriales). Le projet est entre les mains du Parlement. La majorité parlementaire décidera du contenu final.

 

L’ultime renouvellement du conseil général (Décret n°2010-199 du 12 novembre 2010 « portant convocation des collèges électoraux pour procéder au renouvellement de la série sortante des conseillers généraux et pour pourvoir aux sièges vacants ») n’aura pas pour objet de désigner une partie de « l’équipe » qui conduira la Collectivité de Guyane, car les conseillers généraux comme les conseillers régionaux verront leur mandat expirer en mars 2014 (loi n°2010-145 du 16 février 2010 « organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux », consolidée par la décision n°2010-603 DC du Conseil constitutionnel en date du 11 février 2010), sauf confirmation législative de l'expiration des mandats au plus tard le 31 décembre 2012 (article 12 du projet de loi sur la collectivité unique). L’enjeu du dernier renouvellement du conseil général réside dans l’efficacité de l’ultime gouvernance territoriale entre le département et la région qui consistera en la réussite de la fusion et la préparation des premiers pas de la Collectivité de Guyane.

 

Il est donc important que le conseil général soit un contre-balancement du conseil régional afin qu’une réelle gouvernance soit l’accoucheuse d’un nouveau-né au destin très incertain.

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