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Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 00:56

 

 

La gratuité des frais d’obsèques pour les indigents

 

Au sens de l’article L.2223-27 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), les indigents sont assimilés aux « […] personnes dépourvues de ressources suffisantes. » La notion « d’indigents » va donc bien au-delà de celle d’un individu qui serait sans ressources car une personne possédant des revenus pourrait bénéficier de la gratuité du service des pompes funèbres dès lors que ses ressources ne seraient pas suffisantes.

Mais qu’entend le Législateur par « ressources suffisantes » (voir question écrite n°2395 publiée dans le JO Sénat du 08 novembre 2007) ? Il n’existe ni lois ni règlements qui définissent la notion de « ressources suffisantes ». Ainsi, l’évaluation du caractère suffisant des ressources d’une personne doit être effectuée par le maire par le biais de faisceaux d’indices. A priori, Il ne s’agit probablement pas pour l’autorité territoriale de savoir si l’intéressé est dépourvu de ressources suffisantes à sa subsistance dans la mesure où l’article L.2223-27 du CGCT s’attache à résoudre la question du financement de la dernière demeure de l’indigent. Alors, il semble plus pertinent et aussi plus pragmatique de jauger le caractère insuffisant des ressources au regard du coût du service funèbre.

L’indigent, au regard de l’article L.2223-27 du CGCT, est la personne dont le patrimoine connu ne peut recouvrir les frais du service des pompes funèbres (article L.2223-19 du CGCT). A contrario, la personne dont le patrimoine connu peut recouvrir les frais du service funéraire n’est pas indigente. Le service des pompes funèbres ne sera pas gratuit, la succession sera tenue au paiement des frais (voir article 784-1°, article 806 et article 1251-5° du code civil ; également civ. 1er du 10 juillet 1990 au JCP 1990 IV. 432).

 

Les personnes n’ayant pas les « ressources suffisantes » pour recouvrir les frais du service de pompes funèbres doivent bénéficier de la gratuité du service, c’est-à-dire, qu’il ne peut être mis à leur charge les frais funéraires. Ainsi, lorsque les services de la commune n’assurent pas le service public des pompes funèbres, cette dernière doit choisir l’entreprise qui assurera les obsèques et doit prendre en charge les frais d’obsèques de l’indigent.

Lorsqu’un cadavre est découvert, en cas de mort accidentelle, de suicide ou de cause indéterminée, de cause violente ou suspecte ou encore en cas de crime flagrant ; un officier de police judiciaire doit procéder à une enquête et en fait rapport au procureur de la République (art. 74 CPP). Le transport du corps pour autopsie, l’admission en chambre funéraire ou en morgue hospitalière ne peuvent se faire sans l’accord de l’autorité judiciaire. En outre, pour inhumer le corps il faut attendre la délivrance du « permis d’inhumer » par l’autorité judiciaire. Dans ce cas la charge de la commune se limite aux frais d’obsèques.

 

La gratuité des frais d’obsèques, une dépense obligatoire 

 

La commune doit la gratuité du service des pompes funèbres aux personnes dépourvues de ressources suffisantes (art. L.2223-27 du CGCT). Ce droit à la gratuité doit-il être considéré comme une dépense obligatoire ? Dans le droit des Collectivités Territoriales, une dépense obligatoire, est une charge qu’une Collectivité Territoriale ne peut refuser. Seule la loi peut imposer une dépense à une commune (article L.2321-1 du CGCT).

L’article L.2321-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) établit une liste des dépenses obligatoires. Cependant, cette liste n’est pas exhaustive car l’article L.2321-2 introduit sa liste par l’adverbe « notamment ». Ce qui signifie que l’article L.2321-2 vise spécialement certaines dépenses mais qu’il n’entend pas toute les énumérer. Ainsi, le Législateur s’est-il octroyé la possibilité de soumettre les Collectivités Territoriales à d’autres dépenses que celles inventoriées à l’article L.2321-2 du CGCT.

En consacrant, dans l’article L.2223-27 du CGCT, un droit à la gratuité du service des pompes funèbres pour les indigents, le Législateur impose de facto la charge des frais d’obsèques aux communes et cela est vrai que le service des pompes funèbres soit assuré ou non par la Collectivité Territoriale.

Il existe pour une commune une issue tirée du droit de concession d’une parcelle dans un cimetière. En effet, si l’intéressé (le défunt) ne répond pas à certaines conditions, la concession d’une parcelle dans le cimetière communal peut lui être refusée. L’article L.2223-3 du CGCT décrit trois situations pour lesquelles le maire ne peut refuser la concession d’une parcelle funèbre. Ainsi, une parcelle est due dans un cimetière communal dès lors que :

La personne est décédée sur son territoire, quel que soit son domicile

La personne est domiciliée sur son territoire, alors même qu’elle est décédée dans une autre commune

La personne n’est pas domiciliée dans la commune mais y possède une concession familiale

A contrario, les parents de la personne qui n’est pas décédée sur le territoire de la commune qui n’y a pas domicile et qui n’y a pas non plus de concession familiale ne peut opposer à la Collectivité Territoriale intéressée un droit à concession funèbre (CE du 16 novembre 1992, « Locre » n°107857).

 

Compte tenu du domaine dont il est question, l’efficience de l’issue précédemment décrite est assez limitée. La limite de l’efficacité de la possibilité de refus de concession ne tient pas au fait que ce dernier condamne une autre commune à exécuter l’obligation qui est imposée par l’article L.2223-3 du CGCT mais repose sur des principes indiscutablement supérieurs aux éléments antérieurement avancés afin de déduire l’existence d’une possibilité de refus de la concession d’une parcelle funèbre.

« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (article 16 du code civil), lors de sa mort et au de-là par la protection de sa sépulture (article 225-17 du code pénal). Le principe tiré du respect de la personne humaine induit corrélativement la reconnaissance à tout être humain d’un droit fondamental à obtenir des funérailles et une sépulture. La loi impose au « […] maire ou, à défaut, […] » au préfet de pourvoir d’urgence « […] à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment […] » (article L.2213-7 du CGCT). Cette obligation de pourvoir à une sépulture est soutenue par l’impératif de gratuité pour les indigents (article L.2223-27 du CGCT). En outre, pour des raisons d’hygiène et de salubrité, l’obligation de pourvoir à la sépulture de toute personne décédée a également un caractère d’ordre public.

L’éventuelle défaillance de la commune impose l’intervention du préfet qui peut mettre en demeure la Collectivité Territoriale de s’exécuter (article L.2122-34 du CGCT) ou pourvoit lui-même ou par délégation à l’ensevelissement et à l’inhumation. L’exécutif local peut être sanctionné (article L.2122-16 du CGCT : suspension d’un mois de l’exécutif par arrêté ministériel motivé voire révocation par décret pris en conseil des ministres).

 

Les frais d’obsèques et la gratuité des frais d’obsèques pour les indigents sont des dépenses obligatoires dont la Collectivité Territoriale peut solliciter le remboursement aux intéressés mais ne peut espérer obtenir un dédommagement de l’État car c’est une dépense prévue par la loi.

En 2004 et en 2006, dans une réponse apportée aux questions posées par des sénateurs, le Ministre interpellé soutient que l’État participe pleinement aux dépenses d’intérêt général des Collectivités Territoriales.  Cette participation interviendrait « à travers la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans laquelle a été incluse la subvention à titre de participation de l’État aux dépenses d’intérêt général qui était accordée aux communes, antérieurement à la loi n°79-3 du 3 janvier 1979 portant création de la DGF » (JO Sénat du 26/08/2004 page 1955 et JO Sénat du 29/06/2006).

 

 La gratuité des frais d’obsèques, une créance irrécouvrable

 

En principe, le terme de « gratuité » qualifie une opération effectuée sans contrepartie pécuniaire. Aussi, lorsque les frais d’obsèques sont qualifiés de gratuit cela implique qu’il ne naît aucune dette contre le bénéficiaire de l’avantage. La gratuité est donc, par définition, une dépense que le gratifiant ne doit pas pouvoir recouvrir. Ce raisonnement est d’ailleurs validé par l’esprit du texte (article 2223-27 du CGCT). La loi a pour finalité de garantir aux personnes dépourvues de ressources suffisantes des funérailles et une sépulture décente. La gratuité des frais funèbres est le seul moyen de pourvoir à cette exigence. La gratuité ne crée pas de dette.

La succession de l’indigent ne devrait pas se voir opposer une dette fondée sur l’avance faite pour des frais d’obsèques définis comme devant être gratuits. Il faut avoir à l’esprit que la succession d’un individu est un ensemble de droits et d’obligations. C’est le caractère insuffisant de ce patrimoine qui permet la gratuité (article 2223-27 du CGCT).

Néanmoins, loin de cette vérité sémantique, le Législateur et le Juge se sont appliqués à donner un statut particulier aux frais funéraires. Le régime juridique auquel sont soumis les frais d’obsèques est incompatible avec l’idée de gratuité. Les frais funèbres ont un caractère alimentaire (Cass. 1ère civ. du 14 mai 1992 ; D. 1993 p. 247 ou JCP 1993 II n°22097). Que faut-il comprendre ?

Une créance d’aliment est l’aide matérielle que peut exiger une personne dans le besoin à certains membres de sa famille. Ce soutien familial est limité à ce qui est nécessaire pour assurer la subsistance de la personne (voir dictionnaire du vocabulaire juridique).  Ainsi, assimiler les frais d’obsèques à une créance d’aliments permet à celui qui a fait l’avance des frais (en l’occurrence la commune) de réclamer le remboursement aussi bien à la succession qu’au débiteur d’aliment (article 784, 806 et 1251 du code civil). Le conjoint, les descendants et les ascendants sont des débiteurs d’aliments. Le désintéressement du créancier est tributaire de la solvabilité des débiteurs. S’il y a plusieurs débiteurs, le créancier (la commune) peut réclamer la totalité de la dette à l’un seulement des débiteurs, le plus solvable (solidarité passive : article 1197 et suivants du code civil).

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