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Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 15:10

L’ordre public économique est une notion juridique à géométrie variable que l’on peut définir comme l’ensemble des normes qui s’imposent à la volonté des parties afin de faire prévaloir des impératifs d’intérêt général ayant pour objectif « d’assurer le bon fonctionnement du Marché » (Cons. const., décision n°  2011-126 QPC du 13  mai 2011, Société Système U Centrale Nationale et autre : première fois évoquée par le Conseil Constit. ; Cons. const., décision n°  2012-280 QPC, 12  octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre, cons. 11. ; Cons. const., décision n° 2013-3 LP du 1er octobre 2013, Loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle- Calédonie, cons. 5. ; CE Ass., 21 décembre 2012, Sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal, n°353856, cons. 48 et 49, v. aussi. cons. 63. ; CE Ass., 23 décembre 2013, Société Métropole Télévision [M6], n° 363702, cons. 23. ; CE, 16 juillet 2014, Société Copagef, n° 375658, cons. 3.). Ce dernier, le Marché, est une réalité spatiotemporelle, c’est-à-dire délimitée tant géographiquement [soit localement, soit mondialement] que tributaire de l’écoulement du temps, lui-même déterminable géographiquement. Au sein de réalité interagissent producteurs, fournisseurs, distributeurs, industriels, opérateurs, financeurs (banques, établissement de crédits…), revendeurs, consommateurs (etc.) notamment en échangeant des biens (corporels ou incorporels), des valeurs ou des devises dans le cadre plus ou moins formalisé d’accords plus ou moins équilibrés posant les conditions de leurs interrelations.

Ainsi, au regard de ce qui précède, vous l’aurez compris, « assurer le bon fonctionnement du Marché » n’est pas une mince affaire. Par conséquent, afin de simplifier la compréhension de la notion « d’ordre public économique », il faut l’appréhender comme un principe général de Régulation des Libertés (notamment les libertés contractuelle et d’entreprendre) qui gouvernent les interrelations entre la pluralité d’acteurs aux intérêts et mobiles pas nécessairement convergeant. Dès lors, l’ordre public (en l’occurrence économique) se pose en-dehors de toute considération d’opportunité pour les destinataires. En effet, les normes qui intéressent la Police (dans le sens de régulation) de l’activité Economique et qui sont d’ordre public, doivent (normalement) impérativement être mise en œuvre de leur propre chef par les parties concernées. À défaut de cette prompte soumission, le cas échéant, lesdites normes d’ordres publics sont excipées par l’autorité de régulation compétente ou par le juge.

En tout état de cause, la charge de mise en place de dispositifs propres à « assurer le bon fonctionnement du Marché » pèse sur le Législateur qui, au moins, depuis 1950 travaille à réguler le « monde des affaires » notamment par la prohibition de certaines pratiques qualifiées de « restrictives de concurrence » et considérées comme « déloyales ». Pour s’atteler à cette tâche, le Législateur part du postulat que « l’interrelation entre la pluralité d’acteurs aux intérêts et mobiles pas nécessairement convergeant » est déséquilibrée. D’ailleurs, les propos de M. Pierre HERISON (Sénateur du 24 septembre 1995 au 30 septembre 2014), présentant un avis (n° 4 [2000-2001] ; 4 octobre 2000) au nom de la commission des affaires économiques, sur le projet de loi n° 321 (1999-2000) relatif aux nouvelles régulations économiques, cristallisent assez bien l’un des objets de la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence notamment la situation de « déséquilibre » qui en est la cible : « La coopération commerciale désigne l’ensemble des services spécifiques, distincts des services liés à l’achat ou à la vente, fournis par les distributeurs à leurs fournisseurs, moyennant le versement d’une rémunération. […] Elle consiste à faire participer le fournisseur au financement de diverses opérations commerciales et, notamment, d’opérations publicitaires telles que la mise en avant de produits en tête de gondole, l’organisation d’animations en magasin, ou encore la promotion de produits dans des catalogues publicitaires. Cependant, se développe, depuis peu, une coopération commerciale dite "fictive", c’est-à-dire dépourvue de contrepartie réelle, le fournisseur se voyant alors contraint de verser des primes ou de consentir des ristournes sans obtenir en retour un avantage commercial particulier. C’est cette coopération commerciale et fictive qui est ici visée […] ». Ces propos, mettent en relief la nécessité de procéder à la vérification de l’existence d’une réciprocité consistant pour chaque partie à l’interrelation (c’est-à-dire dans le cadre de la négociation, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat) de recevoir de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure. C’est l’essence même du contrat à titre onéreux qui est la base des relations d’affaires, la substance même du Marché. Ainsi, dans la recherche de la dilution des coopérations commerciales dite fictive ou déséquilibrées, il est impératif pour le Législateur de poser un dispositif veillant à préserver, autant que faire se peut, le caractère commutatif de la relation d’affaire. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de prôner un quelconque égalitarisme dans les relations d’affaires mais de s’assurer que chaque partie « s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit. » (art. 1108 al. 1 du Code civil). C’est à ce titre, que l’article L442-1 du Code de commerce travaille à « […] assurer le bon fonctionnement du Marché ». Petit bémol, se pose ainsi, concomitamment, la question du dosage de l’interventionnisme « Législativo-judiciaire » (excusez ce barbarisme) dans la jauge du caractère réellement commutatif de la « coopération commerciale ».

 

  1. La préservation du bon fonctionnement du marché par l’évaluation de la consistance de la contrepartie inhérente à la coopération d’affaires

 

Le Législateur (voire le gouvernement habilité pour le faire) a à plusieurs reprises (Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence [voir notamment son titre IV « De la transparence et des pratiques restrictives »] ; Loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales ; Ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce ; Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques : recodification L442-6.I.2° vers L442-1.I.1° du code de commerce ; Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (Loi Dutreil) : a ajouté la globalisation artificielle du chiffre d’affaires et la demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ; Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (Loi Hamon) : a ajouté à ces exemples la pratique des demandes supplémentaires, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ; Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 [Loi Sapin 2] :  a étendu la liste des types de prestations susceptibles de donner lieu à des avantages injustifiés [promotion commerciale, services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs] ; Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées [loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite « Egalim », a habilité le Gouvernement à prendre ladite ordonnance]) soit posé soit ajusté des dispositifs visant à lutter contre les pratiques restrictives, c’est-à-dire, l’obtention d’avantages sans contrepartie ou disproportionnés (art. L442-1.I.1° du Code de commerce), l’imposition d’un déséquilibre significatif dans les relations commerciales (art. L442-1.I.2° du Code de commerce), la rupture brutale de relations commerciales établies (art. L442-1.II du Code de commerce), la violation des obligations résultant du droit de l’Union européenne encadrant des activités d’intermédiation (art. L442-1.III du Code de commerce), la violation de certaines interdictions de revente hors réseau (art. L442-2 du Code de commerce) ou encore la fixation de prix abusivement bas pour les produits agricoles et les denrées alimentaires (art. L442-7 du Code de commerce). Ce travail de régulation impose de disqualifier tout accord ou recherche d’accord qui poserait ou viserait à poser une mécanique contractuelle qui diluerait le caractère réel de l’équivalence due par l’une des parties à l’autre.

 

En l’espèce, l’association ILEC (institut de liaisons des entreprises de consommation) astreint la société Amazon EU devant le juge de commerce afin que cette dernière société soit enjointe de cesser (art. L442-4 du Code de commerce) ses pratiques restrictives de concurrence prohibées par l’article L442-1.I.1° du Code de commerce. C’est à ce titre que le Conseil constitutionnel est saisi par la Cour de cassation (Cass. Chb. Com., 7 juillet 2022, pourvoi n°22-40.010) de la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) transmise par le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 10 mai 2022. En effet, conformément à l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, à l’occasion de l’instance en cours devant le Tribunal de commerce, la société Amazon UE excipe l’atteinte portée aux libertés contractuelle et d’entreprendre par les dispositions de l’article L442-1.I.1° du Code de commerce. Il est  plus particulièrement reproché au texte précité d’octroyer au juge un pouvoir de contrôle considérable sur les conditions économiques de toute relation commerciale au point ou ce dernier aurait reçu du Législateur un pouvoir de « contrôle généralisé de la lésion et de fixation judiciaire des prix »  (Cyril Grimaldi, « Vers un contrôle généralisé de la lésion en droit français ? », Recueil Dalloz, 2019, p. 388 ; Clémence Mouly-Guillemaud, « Déséquilibre significatif et rupture brutale : variations introduites par la refonte du Titre IV du Livre IV du Code de commerce », RLDC, n° 172, juillet 2019 ; Martine Behar-Touchais, « Les différentes pratiques restrictives de concurrence dans les ordonnances du 24 avril 2019 », La Semaine Juridique - Entreprise et affaires, n° 29, 18 juillet 2019. Voir également le commentaire de la décision n°2022-1011 QPC du 06/10/2022 accessible sur le site du Conseil constitutionnel) en violation de la liberté constitutionnelle pour chaque individu de négocier librement les termes de leurs futures relations d’affaires et limitant ainsi de manière consécutive et excessive la liberté d’entreprendre. En outre, il est également fait reproche aux dispositions de lutte contre les pratiques restrictives de concurrence de méconnaitre le principe de légalité des délits et des peines qui est tiré de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC). En l’espèce, la question prioritaire de constitutionnelle de  la société Amazon EU est formulée de la manière suivante : « Les dispositions de l'article L. 442-1, I, 1°, du code de commerce, prises dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et maintenue inchangée par les lois n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 et n° 2021-1357 du 18 octobre 2021, méconnaissent-elles les droits et libertés garantis par la Constitution tels que la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le principe d'égalité devant la loi, la garantie des droits et le principe de légalité des peines ? ».

 

L’article L442-1.I.1° du Code de commerce pose (notamment) un mécanisme de responsabilité à l’encontre des acteurs principaux de la scène des affaires de production, de distribution ou de services, lorsque ceux-ci ont obtenu ou ont tenté d’obtenir de leurs cocontractants (ou futurs cocontractants) « un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ; ». Il faut noter que le champ d’action de ce dispositif est plus large que celui de son ancêtre l’article L442-6.I.2° du  Code de commerce en vigueur du 21 septembre 2000 au 16 mai 2001. En effet, les personnes (physiques ou morales) susceptibles d’être concernées par cet responsabilité ne se limitent plus aux producteurs, aux commerçants, aux industriels ou aux artisans. En outre, toute relation contractuelle (conclusion ; exécution) ou précontractuelle (négociations) est concernée et pas uniquement « les relations commerciales ».

Ainsi, comme amorcé précédemment, l’article L442-1.I.1° du Code de commerce, s’intéresse aux interrelations (relations réciproques existant entre acteurs économiques) à titre onéreux au sein desquelles la base est que chacune des parties s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit. Ainsi, il y a déséquilibre dans l’interrelation lorsque l’avantage reçu par l’une des parties n’est pas considéré comme équivalente (art. 1169 du Code civil ; Cass. com., 11 septembre 2012, Société Carrefour, n° 11-14.620) soit parce qu’elle n’existe pas (fictif ou illusoire) soit parce qu’elle est dérisoire au regard de la valeur estimée du bien ou du service commuté. Dans la mesure où le cœur du dispositif consiste à jauger la consistance de l’équivalence des contreparties, l’article L442-1.1° du Code précité, pose une justice commutative d’ailleurs fortement décriée par une partie de la doctrine (Cyril Grimaldi, « Vers un contrôle généralisé de la lésion en droit français ? », Recueil Dalloz, 2019, p. 388 ; Clémence Mouly-Guillemaud, « Déséquilibre significatif et rupture brutale : variations introduites par la refonte du Titre IV du Livre IV du Code de commerce », RLDC, n° 172, juillet 2019 ; Martine Behar-Touchais, « Les différentes pratiques restrictives de concurrence dans les ordonnances du 24 avril 2019 », La Semaine Juridique - Entreprise et affaires, n° 29, 18 juillet 2019.) dont la constitutionnalité est dénoncée via la QPC formulée par la société Amazon EU.

 

  1. La constitutionnalité de la justice commutative instaurée par l’article L442-1.I.1° du Code de commerce

 

La justice commutative est l’obligation pour les juges de jauger la consistance (c’est-à-dire, réelle, illusoire ou dérisoire) des contreparties que doivent se procurer réciproquement les parties dans une interrelation à titre onéreux. Compte tenu de l’objectif de préservation de l’ordre public économique et de s’assurer un équilibre des relations commerciales (Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale et autre [Action du ministre contre des pratiques restrictives de concurrence], cons. 5 ; Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre [Autorité de la concurrence : organisation et pouvoir de sanction], cons. 11 ; Décision n° 2021-965 QPC du 28 janvier 2022, Société Novaxia développement et autres [Sanction des entraves aux contrôles et enquêtes de l’Autorité des marchés financiers], paragr. 11.), le caractère commutatif du contrôle juridictionnel en la matière n’est pas inopportun. D’ailleurs, le juge constitutionnel a déjà eu à se prononcer sur la conformité constitutionnelle d’un tel contrôle des pratiques restrictives de concurrence notamment lors de QPC formulée à l’encontre de l’ancien article L442-6 du Code de commerce (Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011 ; Décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018.), texte dont le champ d’action était plus restreint que le nouvel article L442-1 du même Code.

 

En tout état de cause, en l’espèce, il est demandé de contrôler la conformité de cette justice commutative au regard de la liberté contractuelle et de la liberté d’entreprendre. Pour rappel, les libertés précitées sont tirées de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation ; Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.) : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. ». Il est important de mettre en relief que l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, prône une équivalence qui repose sur le fait que la liberté d’un individu est un « avantage » qui est regardé comme l’équivalent de celle due à autrui ; seule la Loi peut réguler cette liberté soit du fait d’exigences constitutionnelles ou encore parce que la régulation est justifiée par l’intérêt général sans pour autant pouvoir y porter une atteintes disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi (Décision n°2022-1011 QPC du 6 octobre 2022, cons.3). Ainsi, ni la liberté contractuelle ni la liberté d’entreprendre (aucune liberté d’ailleurs) ne doivent être appréhendées comme absolue. L’ordre public (en l’occurrence économique) est un régulateur ayant pour objectif de poser les bornes permettant à chaque individu de jouir de manière équivalente des libertés dont il dispose naturellement. Ainsi, en l’espèce, la question de fond est celle de savoir si le dispositif de responsabilité et de sanction posé par l’article L442-1.I.1° du Code de commerce est disproportionné au regard de l’objectif consistant à préserver l’ordre public économique des pratiques restrictives de concurrence et de s’assurer un équilibre des relations commerciales ?

 

Afin de répondre à cette question, le juge constitutionnel se livre à un contrôle commun (Décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017) du fait de la connexité entre les deux libertés. En effet, après avoir rappelé le caractère non absolu des libertés et la possibilité conditionnelle pour le Législateur d’apporter des limitations (Décision n°2022-1011 QPC du 6 octobre 2022, cons.3), le Conseil constitutionnel a mis en relief l’objectif d’intérêt général des dispositions de l’art. L442-1.I.1° du Code de commerce en soulignant le fait qu’elles visent à préserver l’ordre public économique en réprimant certaines pratiques restrictives de concurrence et visent également à assurer un équilibre dans les relations commerciales (Décision n°2022-1011 QPC du 6 octobre 2022, cons.5). En outre, l’obligation qui pèse sur le juge saisi consistant uniquement au constat de l’existence des pratiques prohibées, il n’est pas relevé d’atteinte disproportionnée compte tenu de l’objectif de préservation du bon fonctionnement du Marché.

 

La liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre, en cohérence avec le texte d’où elles sont tirées (art. 4 DDHC), impliquent que chaque individu tant dans la relation contractuelle que dans la relation d’entreprenariat s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’il reçoit. C’est à ce titre que la lutte contre les pratiques consistant à poser des contreparties illusoires (fictives) ou dérisoires compte parmi les démarches nécessaires pour assurer à chaque individu la jouissance des mêmes droits, c’est-à-dire l’obtention de contreparties considérées comme équivalente. L’absence (illusoire ou dérisoire ; déséquilibre) d’équivalence est illicite (art. L442-1.I.1° du Code de commerce). Ainsi, les acteurs de la scène des affaires devront être davantage sensible à la mise en place de critères ou/et dispositifs contractuels propres à cristalliser l’existence d’avantage équivalent à celui qui est reçu. En effet, il s’agira notamment d’être vigilant sur la stipulation du caractère « manifestement disproportionné » d’avantages obtenus alors que la contrepartie n’est pas (au préalable) clairement définie ou est inexistante. L’avantage obtenu doit correspondre à un bien ou/et un service appréhendé comme équivalent par l’autre partie. Pour les contrats de gré à gré (les stipulations sont négociables entre les parties ; art. 1110 al. 1 du Code civil), la phase précontractuelle (négociation) est encore plus que jamais le moment d’ajustement de l’équivalence des contreparties et de cristallisation par des clauses de la jauge des équivalences. Pour les contrats d’adhésion (comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ; art. 1110 al. 2 du Code civil), il faudra être vigilant sur les clauses génériques et les mécanismes de fixation de taux globaux in abstracto qui risque d’être source soit de disproportion manifeste soit poser un résultat dérisoire. En tout état de cause, lors de la conclusion du contrat, il est important de poser un mécanisme et/ou des critères de réajustement/évaluation « en cours d’exécution » de la consistance des équivalences. En claire, Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Les libertés contractuelle et d’entreprendre ne permettent pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public économique (art. 1102 al.2 et 1104 du Code civil).

Publié sur village de la justice :  https://www.village-justice.com/articles/plateforme-libertes-contractuelles-entreprendre-avantage-sans-contrep artie,43958.html 

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