Analyse de la solution de l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2011 (Pourvoi n° 10-30.439)
La responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur n’échappe pas au mouvement, généralement admis, d’objectivation des mécanismes de responsabilité (exception faite de la responsabilité des instituteurs du fait des leurs élèves ; art. 1384 al. 8 du Code civil). En effet, la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants est un régime de responsabilité de plein droit (arrêt « Bertrand » du 19 février 1997) à l’instar de la responsabilité générale du fait des choses (arrêts « Teffaine » [1896] ; « Jand’Heur » [1930 ; GAJC, tome II, n°193] ; arrêt « Franck » [1941 ; GAJC, tome II n°194] ; arrêt « société Cardem c/ commune de Montigny-lès-metz » du 9 juin 1993 ; arrêt « Leroy Merlin » du 14 janvier 1999 ; arrêt « Gabillet » [GAJC, tome II n°199]), de la responsabilité des commettants du fait leurs préposés (art. 1384 al.5 du Code civil), de la responsabilité des artisans de leurs apprentis (art. 1384 al.6 du Code civil), de la responsabilité des organismes chargés d’individus socialement inadaptés ou handicapés (l’arrêt « Blieck » de l’Assemblée plénière du 29 mars 1991 [GAJC, tome II n°218] ; l’arrêt « foyer NOTRE DAME DES FLOTS » de la chambre criminelle du 26 mars 1997 [GAJC, tome II n°219]), des associations sportives du fait de leurs membres (arrêts « UAP c/ Rendeygues » et « USPEG c/ Fédération Française de rugby » du 22 mai 1995 ; arrêt « Comités Régionaux de rugby c/ CPAM du Lot et Garonne » de l’Assemblée plénière du 29 juin 2007) et de la responsabilité du fait des animaux (art.1385 du Code civil). Ainsi, la démonstration de l’absence de faute de surveillance ou d’éducation ne permet plus l’exonération des père et mère (arrêt « Bertrand » du 19 février 1997). D’ailleurs, la démonstration d’absence de faute de l’enfant est également indifférent (arrêt « Fullenwarth » de l’Assemblée Plénière du 9 mai 1984 [GAJC, Tome II n°208]) et les parents ne peuvent davantage exciper une rupture de cohabitation dès lors qu’elle ne découle pas d’une déchéance ou d’une absence d’autorité parentale (arrêt « Samda » du 19 février 1997 ; arrêt « association vers la vie pour l’éducation des jeunes » du 19 juin 2008 [N°07-12.533]). Il faut que la démonstration soit faite que la force majeure (Cass. 2ème civ. 2 décembre 1998, « Société Aube cristal » [N°96-22.158]) ou les causes étrangères (fait de la victime [Cass. 2ème civ. 19 octobre 2006 {N°05-17.474}], ou fait d’un tiers) soit la source exclusive du dommage subi par la victime (arrêts « Minc contre Epx Gohill » et « Poullet contre Koral » de l’Assemblée plénière en date du 13 décembre 2002). L’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2011 (N° 10-30.439) s’intègre aisément dans la continuité de la jurisprudence faisant application des causes exonératoires de la responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs.
Les faits de l’espèce sont très simples. Il s’agit d’un enfant en rollers qui entre en collision avec un cycliste. Ce dernier recherche la responsabilité des parents de l’enfant par le fait duquel il estime avoir subi un préjudice. Il est contesté ni le fait que l’enfant se trouvait en bordure de la piste cyclable ni le fait que le cycliste a manqué à son obligation générale de prudence et de diligence en ne réadaptant pas son allure lorsqu’il a abordé l’intersection entre la piste cyclable et « la route des tribunes » qui était réservé tant aux cyclistes qu’aux piétons. Ainsi, se fondant sur la seule faute d’imprudence du cycliste, la Cour d’appel rejette les demandes de ce dernier.
Indiscutablement la position prise de la Cour d’appel est contestable, car elle néglige une précision essentielle à l’efficacité et l’effectivité de la force exonératoire du fait de la victime au profit du potentiel responsable. En effet, dans l’apurement d’un contentieux de responsabilité de plein droit il y a trois issues possibles. Premièrement, celui qui répond d’autrui (en l’occurrence les père et mère) ne peut exciper aucune cause étrangère ou force majeure, et dans ce cas la victime reçoit la réparation intégrale de son préjudice. Deuxièmement, celui qui répond d’autrui peut exciper une cause étrangère ou la force majeure. Dans cette hypothèse, celui qui répond du fait d’autrui est totalement libéré de sa responsabilité, mais seulement si la force majeure ou la cause étrangère (qui doit avoir le caractère de la force majeure) est la cause exclusive du dommage. Ainsi, celui qui répond du fait d’autrui ne peut voir sa responsabilité engagée, car le fait dommageable était pour lui (art.1384 al 7 du Code civil) imprévisible, irrésistible et extérieur (Cass. crim. 25 mars 1998 [N°94-86.137]). Troisièmement, lorsqu’il y a concours entre le fait de la victime et le fait de l’enfant, il peut y avoir partage des responsabilités (Cass 2ème civ. 29 avril 2004, « Sabrina c/ CMR » [N°02-20.180]).
Au regard de ces données, il est perceptible que la Cour d’appel est allée vite en besogne, car elle se prononce en faveur de l’exonération totale du père sans démontrer en quoi soit le fait de l’enfant soit le fait du cycliste avait pour lui le caractère de la force majeure (art.1384 al 7 du Code civil ; Cass. crim. 25 mars 1998 [N°94-86.137]). Sans même explorer la possibilité d’un partage des responsabilités tant il semble criant que le fait du jeune Arthur Y (rester en bordure de piste) et le fait du cycliste (rouler à vive allure sans prêter attention aux autres) ont concouru à la réalisation du dommage (Cass 2ème civ. 29 avril 2004, « Sabrina c/ CMR » [N°02-20.180]). C’est ainsi qu’il s’agissait, conformément au droit (art.1384 al 4 et 7 du Code civil), de décortiquer les faits afin de voir si le père du jeune Arthur Y pouvait empêcher (art.1384 al 7 du Code civil) le fait qui donne lieu à la possibilité de voir sa responsabilité engagée. Il semble qu’il ait pu avoir un meilleur contrôle de l’enfant Arthur, notamment en faisant en sorte qu’il ne soit pas en bordure de la piste. En revanche, le père d’Arthur n’a aucune emprise sur le comportement de M. X, mais le fait de ce dernier ne peut être perçu comme imprévisible et irrésistible, car il est prévisible qu’il y ait des cyclistes sur une piste cyclable, il est également prévisible qu’un cycliste puisse rouler à vive allure. Enfin, sur une voie de circulation, pour « le bon père de famille », une collision est de ces choses prévisibles dont il est possible de prémunir ceux dont on répond. Les parents ont une obligation générale de garantir que leurs enfants ne nuisent pas à autrui par leurs actes. Ainsi, la responsabilité de plein droit (arrêt « Bertrand » du 19 février 1997 ; arrêt « Fullenwarth » de l’Assemblée Plénière du 9 mai 1984 [GAJC, Tome II n°208] ; arrêts « Minc contre Epx Gohill » et « Poullet contre Koral » de l’Assemblée plénière en date du 13 décembre 2002) des père et mère a vocation à apurer une obligation de sécurité de résultat de source extracontractuelle dont les seules causes exonératoires sont équivalentes à celles qui permettent la libération d’une obligation de résultat contractuelle.
L’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2011 (N° 10-30.439) réaffirme clairement cette réalité.