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Profil

  • Laurent T. MONTET
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane
Docteur en droit privé.
  • Chargé de Travaux Dirigés à l'Université de Guyane Docteur en droit privé.

Thèse : "Le dualisme des ordres juridictionnels"

Thèse soutenue le 27 novembre 2014 en salle du conseil  de la faculté de droit de l'Université de Toulon

Composition du jury:

Le président

Yves STRICKLER (Professeur d'université à Nice),

Les rapporteurs: 

Mme Dominique D'Ambra (Professeur d'université à Strasbourg) et M. Frédéric Rouvière (Professeur d'université à Aix-en-Provence),

Membre du jury:

Mme Maryse Baudrez (Professeur d'université à Toulon),

Directrice de thèse :

Mme Mélina Douchy (Professeur d 'Université à Toulon).

laurent.montet@yahoo.fr


19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 00:21

Lorsqu’un contrat subit le prononcé d’une nullité, les ex-cocontractants doivent pourvoir aux restitutions consubstantielles à l’effet rétroactif de l’annulation. C’est au regard de la gestion des effets de la nullité que l’arrêt de la chambre mixte du 9 juillet 2004 pose une illustration particulièrement intéressante. En outre, cette formation de la Cour de cassation a pour but de mettre un terme aux divergences de jurisprudence existant entre la 1ère chambre civile (Cass. 1re civ. du 2 juin 1987 [Bull. civ. I, n° 183] ; Cass. 1re civ. du 7 avril 1998 [Bull. civ. I, n° 142] ; Cass. 1ère civ. du 11 mars 2003 [Bull. civ. I, n° 74]) et la 3ème chambre civile (Cass. 3ème civ. du 12 janvier 1988 [Bull. civ. III, n° 7 (refus)] ; Cass. 3ème civ. du 26 janvier 1994 [RTD civ. 1994, p.858 (résolution du contrat)] ; Cass. 3ème civ. du 12 mars 2003 [Bull. civ. III, n° 63]), ainsi qu’à l’hésitation de la chambre commerciale (Cass. com. du 16 déc. 1975 [Bull. civ. IV, n° 308] position semblable à la 3ème chambre civile ; Cass. com. du 11 mai 1976 [Bull. civ. IV, n° 162] position semblable à la 1ère chambre civile).

 

En l’espèce, les époux X achètent aux consorts Y un immeuble. L’annulation de la vente est prononcée aux torts des consorts Y. La décision de justice ayant autorité de chose jugée ; condamne les consorts Y notamment à la restitution du prix de vente. Ces derniers sollicitent le paiement d’une indemnité d’occupation de l’immeuble. La Cour d’appel accueille la demande des consorts Y. Donc les époux X forment un pourvoi en cassation.

Ces derniers reprochent à la Cour d’appel d’avoir fait une mauvaise application des articles 1234 et 1382 du Code civil en acceptant la demande de versement d’une indemnité d’occupation. En effet, une indemnité d’occupation peut-elle être due alors que la situation qui en est le fondement résulte de l’annulation d’un contrat ?

 

Conformément aux dispositions des articles 1234 et 1382 du Code civil, la Cour de cassation sanctionne l’arrêt d’appel, car en ne tirant pas les conséquences de l’effet rétroactif de l’annulation d’un contrat, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. Effectivement, l’effet rétroactif de l’annulation d’un contrat (I) pose ce dernier comme n’ayant jamais existé. Ainsi, la partie aux torts de laquelle le contrat a été annulé, ne peut légitimement solliciter une indemnité d’occupation (II).

 

L’effet rétroactif de l’annulation

 

Conformément à l’article 1234 du Code civil, la nullité éteint les obligations normalement dues du fait du contrat (A). En effet, une fiction s’installe entre les ex-cocontractants (B), car il s’agit de faire comme si le contrat n’avait jamais existé.

 

L’inexigibilité des obligations

 

L’existence d’un contrat crée à l’égard des parties un lien d’obligation permettant à l’un (le créancier) d’exiger d’un autre (le débiteur) l’exécution juridique des prestations contractuellement établies. Corrélativement, le débiteur doit exécuter la prestation à laquelle il s’est contractuellement astreint sinon il peut y être conventionnellement ou judiciairement contraint. Donc lorsque le contrat est valablement formé ; il a une force obligatoire et les obligations souscrites sont exigibles.

 

Le prononcé de la nullité du contrat fait disparaître cette exigibilité. L’annulation du contrat détruit la force obligatoire qu’il pose entre les contractants. Ainsi, le contrat nul ne permet pas de solliciter une indemnité d’inexécution voire une indemnité tirée de la perte d’usage d’un bien objet du contrat lors de l’exécution de celui-ci.

 

À l’évidence, l’arrêt de la chambre mixte met en relief la fiction tirée de l’inexistence rétroactive d’un contrat.

 

La fiction de l’inexistence rétroactive du contrat

 

Le contrat formé entre les parties produit des effets. Dans un contrat de vente, normalement formé dès l’accord sur le prix et sur la chose (art. 1583 du Code civil), l’acheteur est dorénavant le propriétaire de la chose et le vendeur bénéficie du prix de la vente.

 

La nullité de la vente détruit cette exécution du contrat et impose, du fait du caractère rétroactif, la restitution des prestations afin de pourvoir à leurs effacements. Ainsi, l’acquéreur n’est plus propriétaire et doit restituer le bien. Réciproquement, le vendeur doit restituer le prix de vente. La rétroactivité de l’annulation efface l’exécution du contrat autant que sa force obligatoire.

Il y a remise en état de la situation des ex-cocontractants comme si ils n’avaient jamais formé le contrat et donc comme si ils n’avaient jamais eu à l’exécuter.

 

L’annulation impose aux parties de faire comme si elles ne s’étaient jamais contractuellement rencontrées ; comme si elles n’avaient jamais été obligées l’une vis-à-vis de l’autre. Alors, désormais hors situation contractuelle, est-il possible par la suite que l’une des parties ex-contractantes sollicite un dédommagement du fait d’une privation effective de sa chose ?

 

L’illégitimité de la demande d’indemnisation

 

Il s’agit de faire comme si le contrat n’avait jamais existé. Mais les parties l’ont effectivement exécuté. De cette exécution peut-il être tiré une prérogative légitime propre à autoriser la demande d’une indemnité ?

 

La bonne foi de l’ex-contractant semble pouvoir être le support de la légitimité d’une telle demande (A). Ainsi, même censé être inexistant, le comportement de l’ex-contractant durant le contrat annulé influe sur l’existence d’un droit à indemnisation (B).

 

La bonne foi de l’ex-cocontractant

 

Le contrat est dissous, la fiction de l’anéantissement pose un statu quo ante. La perte d’usage du bien objet du contrat annulé n’est plus causée. Aussi, l’éviction du propriétaire de son bien par un tiers l’autorise, normalement et légitimement, à solliciter une indemnité soit sur le fondement de l’enrichissement sans cause (art.1371 du Code civil [Quasi-contrat] : Cass. 3ème civ. du 12 mars 2003 [Bull. civ. III, n° 63]) soit sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (article 1382 du Code civil).

 

C’est ce point de vue qui est sanctionné par la Cour de cassation. En effet, l’annulation d’un contrat ne semble pas devoir permettre de solliciter un dédommagement corrélatif à l’exécution effective de celui-ci durant un certain laps de temps. Toutefois, il faut émettre une nuance. La Cour laisse ouverte tout de même la possibilité d’obtention d’une indemnité, mais à la condition que celui qui la demande soit une partie, au contrat annulé, dont la bonne foi est avérée. Dès lors, celui aux torts duquel le contrat est annulé n’est vraisemblablement pas de bonne foi dans sa demande d’indemnisation.

 

Par conséquent, celui aux torts duquel le contrat est annulé n’a pu subir un préjudice susceptible de justifier une indemnisation ; ou encore son comportement inexcusable lui interdit toute indemnisation. En effet, celui qui est victime des conséquences de sa propre turpitude (Nemo auditur propriam turpitudinem allegans) ne peut légitimement exiger qu’un tiers l’indemnise. En revanche, ce tiers peut solliciter une indemnisation.

 

Le comportement de l’ex-cocontractant et l’existence d’une faute extracontractuelle

 

La gestion des effets de l’annulation d’un contrat pose une sorte de transmutation entre le comportement contractuel au sein d’un contrat annulé et l’existence d’une faute extracontractuelle (faute délictuelle ou quasi-délictuelle).

 

En effet, le contrat annulé n’existe plus, mais les conséquences de son exécution sont apurées conformément au droit de la responsabilité extracontractuelle. Ainsi, celui qui désir obtenir une indemnité doit prouver l’existence d’une faute (délictuelle ou quasi-délictuelle), un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

 

Toutefois, ces faits sont extirpés des comportements exprimés lors de l’exécution du contrat avant son annulation. La transmutation est là. Cette dernière est imposée par la fiction dictée par la rétroactivité de l’annulation et consolidée par l’autorité de chose jugée de la décision de justice qui prononce la nullité.

 

Le contrat doit être exécuté de bonne foi (art. 1134 al.3 du Code civil). Celui qui a fait preuve de cette qualité ne peut voir sa responsabilité engagée lors de l’apurement des conséquences de l’exécution d’un contrat annulé. En revanche, il peut solliciter la réparation du préjudice par lui subit du fait de l’annulation du contrat, s’il démontre un comportement fautif de son ex-cocontractant.

 

Au regard du dispositif de l’arrêt de la chambre mixte, la partie de bonne foi peut demander une indemnité à celui aux torts duquel le contrat a été annulé dans la limite des préjudices effectivement subit du fait de la conclusion du contrat annulé. Ainsi, l’ex-cocontractant de bonne foi ayant subit l’annulation du contrat peut par exemple solliciter le remboursement des frais engagés par la conclusion du contrat.

Cette donnée reste dans la logique de l’inexistence rétroactive du contrat. En effet, n’ayant jamais existé il n’a pu occasionner des frais de conclusion. Donc la partie de bonne foi est légitime à obtenir l’indemnisation de l’ex-cocontractant fautif.

 

L’efficacité recherchée par la rétroactivité de l’annulation est le retour au statu quo ante. La décision de la Cour de cassation en sa formation en chambre mixte réaffirme avec force sa conception de cette fiction et la gestion qui doit en être faite.

 

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