Décision n°2010-92 QPC en date du 28 janvier 2011 :
Le caractère homosexuel d’un couple justifie la discrimination qui lui est faite quant aux règles du droit de la famille
Saisi le 16 novembre 2010 par la Cour de cassation (Pourvoi n°10-40.042) dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité ; Le Conseil constitutionnel devait répondre à la question de savoir : « Les articles 144 et 75, dernier alinéa, du Code civil sont-ils contraires, dans leur application, au préambule de la Constitution de 1946 et de 1958 en ce qu'ils limitent la liberté individuelle d'un citoyen français de contracter mariage avec une personne du même sexe ?"
Cette question est parfaitement synchrone (notamment) avec la dernière décision de la Cour de cassation (Pourvoi n°05-16.627) en date du 13 mars 2007 dans laquelle elle constatait que « […] selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (ce que confirme la Décision CEDH en date du 24 juin 2010 ; requête n°30141/04) […] »
Dans la mesure où c’est la « loi française » (art. 144 et suivants) qui semble poser l’exigence d’une mixité qui est perçue pour certains comme une discrimination intolérable au regard des libertés individuelles ; c’est une aubaine que dans l’arsenal judiciaire du plaideur ait été introduite (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 ; loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 ; Décret n° 2010-148 du 16 février 2010) la possibilité d’un recours a posteriori de la constitutionnalité de la loi (art.61-1 de la Constitution). En effet, la justiciabilité de la loi pouvait (au moins) laisser espérer l’évaluation de cette discrimination à l’aune des droits et libertés que la Constitution garantit. Aujourd’hui, c’est une chose faite.
Le Conseil constitutionnel au regard de sa jurisprudence sur la liberté du mariage (décision n°93-325 DC du 13 août 1993 [considérant n°107] ; décision n°99-419 DC du 9 novembre 1999 [considérant n°62] ; décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003 [considérant n°94]), sur le droit à une vie familiale normale (décision n°93-325 DC du 13 août 1993 [considérant n°69 et 70] ; décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003 [considérant n°37 et 38] ; décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003 [considérant n°32 à 35] ; décision n°2005-528 DC du 15 décembre 2005 [considérant n°13 et 14] ; décision n°2010-39 QPC du 6 octobre 2010 [considérant n°7]), sur l’égalité devant la loi (décision n°73-51 DC du 27 décembre 1973 [considérant n°2]) consolide la jurisprudence de la Cour de cassation (notamment arrêt « Stéphane X contre procureur général près la Cour d’appel de Bordeaux », pourvoi n°05-16.627) en considérant que la différence de situation entre un couple hétérosexuel et un couple homosexuel justifie la discrimination (jurisprudence sur la discrimination injustifiée ou justifiée : décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994 [considérant n°17 à 19] ; décision n°2000-433 DC du 27 juillet 2000 [considérant n°39, 45 et 46] ; décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 [considérant n°38]) qui conduit à l’interdiction de mariage pour le couple homosexuel. En outre, cette discrimination n’est pas jugée disproportionnée, car il subsiste des aménagements (art.515-1 et suivants ; art.515-8 du Code civil) qui permettent aux couples homosexuels de mener une vie familiale normale hors de l’institution du mariage qui semble être réservée, pour l’heure, aux seuls couples hétérosexuels. Le Conseil constitutionnel considère, conformément au principe de séparation des pouvoirs, que le Législateur à seul l’initiative de la modification ou de la disparition de cette discrimination.